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arrivait à Thusis d’où ses troupes, entrant dans l’Engadine, gagnaient, après la vallée de l’Inn, celle de l’Adige. Tandis que Lecourbe, infligeant de rudes pertes à un corps de l’armée de Bellegarde, atteignait la Reschen et poussait, au commencement de germinal (fin de mars), son avant-garde sur la route de Landeck, Loison, avec l’autre brigade de l’aile droite, dépassait Disentis, mais était contraint ensuite à reculer, et le général Dessoles, détaché avec 5 000 hommes de l’armée d’Italie dans la Valteline pour lier cette armée à l’armée d’Helvétie, parvenait à Bormio le 27 (17 mars) et, après un combat heureux, à Glurns dont il s’emparait. Dans une lettre de Masséna datée de Coire, 24 ventôse (14 mars), et publiée pour la première fois par M. Jean Servien dans le Petit Marseillais du 2 janvier 1904, on lit : « Au moment où je vous écris, le pays grison est entièrement occupé par nous et même une partie du territoire autrichien. Sans des considérations politiques, nous aurions ajouté à nos conquêtes. J’ai peine à maîtriser l’ardeur du soldat qui voudrait aller en avant ». Si, à la suite des manœuvres qui viennent d’être résumées, Bellegarde se trouvait séparé de Hotze, celui-ci était fortement installé à Feldkirch. Le 29 ventôse (19 mars), Masséna était invité par Jourdan à s’emparer de cette place et à marcher sur Bregenz où il comptait se porter. Mécontent de lui être subordonné, et peut-être est-ce à cela que la lettre que je viens de citer faisait allusion, Masséna envoyait sa démission et ne bougeait pas ; mais, le 2 germinal (22 mars), Oudinot était attaqué par la garnison de Feldkirch, qu’il repoussait.

À la nouvelle des premiers succès de Masséna dans les Grisons, Jourdan s’était porté en avant. Le 23 ventôse (13 mars), il franchissait le Danube et, continuant à avancer, il s’établissait le 27 (17 mars) de Mengen au lac de Constance, ayant son centre à Pfullendorf ; le 30 (20 mars), son avant-garde était à Ostrach. L’archiduc Charles avait marché à son tour et concentré, le 29 (19 mars), le gros de son armée entre Saulgau et Altshausen ; le 1er germinal (21 mars), à la pointe du jour, il attaquait et battait Jourdan qui dut évacuer Ostrach, rallier ses divisions malheureusement disséminées et se retirer, dans la nuit suivante, un peu en arrière de Stockach. Le 4 (24 mars), l’archiduc se dirigeait sur ce point, où Jourdan, qui avait atteint Engen, s’avançait et lui livrait bataille le lendemain. Les Autrichiens, d’abord repoussés, écrasèrent finalement l’armée française grâce à l’arrivée de leurs réserves. Sans être inquiété, Jourdan battit en retraite vers l’Alsace ; tout espoir de jonction de l’armée du Danube et de l’armée d’Helvétie était perdu. Le 14 (3 avril), ayant atteint les défilés de la Forêt-Noire, Jourdan rentrait à Paris sous prétexte de maladie. Il laissait le commandement à son chef d’état-major Ernouf qui ramenait l’armée sur la rive gauche du Rhin, une partie par Vieux-Brisach le 16 (5 avril) et le reste, le lendemain, par le pont de Kehl ; quant à Jourdan, il allait à Paris remettre sa démission. Cette retraite entraînait celle de l’armée d’observation qui abandonna le siège de Phi-