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lers en vue d’une nouvelle coalition, l’unique but de ces négociations — étant donné qu’elle savait désormais ne pouvoir tirer du Directoire l’agrandissement en Italie qu’elle tenait avant tout à acquérir — était, par la dissimulation de ses véritables projets, de gagner du temps pour obtenir, dans la coalition qu’elle préparait, les meilleures conditions possibles ; et, pendant que ces négociations traînaient, le cabinet de Vienne s’entendait avec le tsar contre la France. Paul Ier, dont les envahissements du Directoire à Rome, en Suisse et enfin à Malte avaient encore renforcé les mauvaises dispositions (chap. xvi, § 2), se décidait, le 24 juillet, à fournir aux Autrichiens une armée auxiliaire ; il ordonnait bientôt de grands préparatifs, et ce fut peu après que la flotte de l’amiral Ouchakov s’apprêta à aller agir de concert avec la flotte turque. Dès l’instant qu’il voulait la guerre, le tsar la voulait tout de suite ; l’Autriche, ne pensant qu’à ses intérêts propres et à arracher des subsides à l’Angleterre, montrait moins d’impatience et ne se jugeait pas encore suffisamment soutenue. Un corps russe était cependant en marche et pénétrait dans la Galicie en octobre, tandis que la flotte russo-turque opérait contre les îles Ioniennes. D’autre part, les Grisons refusant leur réunion à la République helvétique et ayant appelé l’Autriche à leur secours, une demi-brigade autrichienne était entrée, dans la nuit du 18 au 19 octobre, sur leur territoire ; un peu plus tôt, le 9 octobre, le général autrichien, Mack, avait pris le commandement de l’armée napolitaine.

Le Directoire n’avait pas attendu que tous ces événements fussent accomplis pour comprendre que la France était menacée de nouveaux périls. À la fin de l’an VI, il était évident que la guerre pouvait recommencer d’un moment à l’autre. En fructidor (septembre 1798) était constitué, auprès du Directoire, un « Bureau militaire » chargé de préparer les plans de campagne, et pour les détails duquel je renvoie aux Études sur la campagne de 1799, en cours de publication dans la Revue d’histoire rédigée à l’état-major de l’armée (décembre 1903, p. 484). Ce « Bureau » devait être supprimé moins d’un an après (Moniteur du 2 messidor an VII-20 juin 1799). Précédemment, une loi du 3 fructidor an VI (20 août 1798) avait décidé, pour l’an VII, le maintien de l’armée sur le pied de guerre. Mais nous n’avions plus, pour défendre nos frontières, que des squelettes d’armées. Sur le rapport de Jourdan, le Conseil des Cinq-Cents organisa la « conscription » que consacra une loi du 19 fructidor an VI-5 septembre 1798 (chap. xi, § 2). Une loi du 3 vendémiaire an VII (24 septembre 1798) mit aussitôt en activité de service 200 000 conscrits, et une autre — l’argent manquant encore plus que les hommes — du 26 vendémiaire (17 octobre) décida que les fonds nécessaires pour leur équipement et le service de la marine seraient obtenus par la vente aux enchères de 125 millions de biens nationaux. Cette levée d’hommes fut cause de troubles dans certains endroits et, par suite « de nombreuses et révoltantes exemptions » des jurys municipaux, disait le