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du xviiie siècle, encore en si petit nombre, — et grâce à la résolution votée par la Chambre le 27 novembre 1903, sur l’initiative de Jaurès, on peut espérer que ces publications ne tarderont plus trop à être faites méthodiquement — les constatations d’ensemble deviendront plus précises.

CHAPITRE XIX

EXPÉDITION D’ÉGYPTE. — DEUXIÈME COALITION.

(Floréal an VI à nivôse an VIII — Mai 1798 à décembre 1799).

§ 1er — Égypte et Syrie.

Nous avons déjà vu (chap. x) que Bonaparte ne se considérait pas comme Français. En 1798, au moment de quitter Paris pour se rendre en Égypte, il disait encore à Fabre (de l’Aude), un de ses intimes et un de ses admirateurs (Histoire secrète du Directoire, t. III, p. 374) : « La patrie ! où est-elle ?… Entre nous soit dit, la mienne est-elle ici ou dans la Corse ? » Arrivé à Toulon (chap. xvii, § 2) le 20 floréal an VI (9 mai 1798), ce Corse irrédentiste, si cher à nos nationalistes à qui il a appris à exploiter la patrie française, parla aux soldats, au début de la nouvelle expédition, le même langage qu’en l’an IV (1796) ; « Il y a deux ans, rappelait-il, que je vins vous commander… Je vous promis de faire cesser vos misères. Je vous conduisis en Italie ; là, tout vous fut accordé… Je promets à chaque soldat qu’au retour de cette expédition, il aura à sa disposition de quoi acheter six arpents de terre ». On a depuis contesté ce texte, et en particulier cette dernière phrase, dont l’authenticité résulte incontestablement des documents fournis par M. C. de La Jonquière (l’Expédition d’Égypte, t. Ier, p. 464). Il avait désigné à son gré officiers et soldats ; à des généraux qu’il avait commandés en Italie, il joignit deux des chefs les plus populaires, Kleber et Desaix ; il ne prit, nous dit son confident Fabre (de l’Aude), « que 36.000 hommes choisis, il est vrai, parmi l’élite de l’armée d’Italie » (Histoire secrète du Directoire, t. III, p. 384) ; ce qui ne l’avait pas empêché à un autre moment, je l’ai signalé (chap. xiv), de dénigrer cette armée pour se grandir. Il emmenait avec lui des savants tels que Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Berthollet, Monge, Fourier. La flotte entière, composée de 15 vaisseaux de ligne, 13 frégates, 27 bâtiments légers et environ 300 transports avec 16.000 marins ou canonniers, était sous les ordres du vice-amiral Brueys. Le départ de la partie principale eut lieu de Toulon le 30 floréal (19 mai) ; elle devait recueillir en route des convois de Corse, de Gênes, de Civita-Vecchia.

Les navires français se dirigèrent vers Malte, devant laquelle ils se trouvèrent tous réunis le 21 prairial (9 juin). L’île était alors sous la domination