avaient des intérêts considérables dans cette compagnie » Bodin (Ernouf, Nouvelles études sur la Révolution française, année 1799, p. 14, note), surtout préoccupée, nous l’avons vu plus haut, de fabriquer des pièces comptables. Le général Foissac-Latour, qui commandait le camp de Grenelle lors du massacre des patriotes (chap. xiii) en fructidor an IV (septembre 1796), commandant de la place de Mantoue où il devait capituler (chap. xix), en thermidor an VII (juillet 1799), lorsqu’il aurait pu encore tenir, « s’était permis d’affermer à son profit la pêche du lac » (Idem, p. 11). Dans les Mémoires de La Revellière, nous voyons dénoncer, dans l’État romain, « le despotisme, le brigandage et l’effronterie des états-majors et des fournisseurs » (t. II, p. 324) ; ailleurs ces dernier « ont donné de force, pour être payés, 25 % au général Bélair, 4 à son état-major, 11 au préposé du payeur général de l’armée de Naples à Ancône » (Idem, t. III, p. 355) ; et une lettre de Daunou signale (t. III, p. 395) « les officiers supérieurs » dont on a dû arrêter « les extorsions ». Une citation faite par Ernouf (ouvrage cité plus haut, p. 15) confirme que « les malédictions publiques poursuivaient sur leurs chars brillants et jusque dans leurs palais tous les chefs principaux, militaires ou civils, et, pour parler le langage populaire, tous les hommes à broderie, fléaux tout à la fois de l’Italie et de l’armée française ».
Nous lisons dans les rapports publiés par M. Rocquain (État de la France au 18 brumaire) que « les subalternes bien instruits que leurs supérieurs puisent dans le Trésor public, leur font la loi pour avoir part au butin » (p. 81, rapport de Barbé-Marbois), et que, dans les administrations civiles comme dans les administrations militaires visées par la citation précédente, « les comptables les moins en règle ont le plus grand nombre d’amis, sont gens de bonne compagnie et ont une bonne maison » (p. 88) ; « il y a des percepteurs de Paris… qui sont en exercice depuis 1786 » (p. 230, rapport du général Lacuée), ils ont accumulé les irrégularités et les désordres (p. 231) et ceux d’origine plus récente les ont imités. On fera difficilement passer pour des révolutionnaires les gens que le royaliste Barbé-Marbois jugeait « de bonne compagnie », ou qui étaient en fonction « depuis 1786 ».
Que touchait l’État dans ces conditions ? D’après « le compte rendu de Ramel pour l’an VI » (Stourm, Les finances de l’ancien régime et de la Révolution, t. II, p. 435), on s’était trouvé, pour le recouvrement des impôts directs, en face d’un retard de 198 millions sur les années antérieures à l’an V, de 266 millions sur l’an V et de 324 millions sur l’an VI, total 789 millions de retard. Sur ces arriérés, on avait pu recouvrer, en l’an VI, 515 millions dont 276 furent payés en papiers sans valeur. Les crédits ouverts aux différents ministères pendant l’an VI montèrent à 612 956 196 livres, sur lesquelles 401 442 390 seulement purent être payées, soit 211 millions au bas mot en moins ; mais Ramel ajoutait qu’il ne pourrait assurer que cette