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22 floréal décida : « les opérations de toutes les fractions de l’assemblée électorale du département des Landes sont déclarées nulles ».

Une fois validé illégalement par le parti directorial de l’ancien Conseil, Lucien Bonaparte fut de l’opposition dans le nouveau avec la moitié environ du Corps législatif. Car, malgré l’épuration du 22 floréal, l’esprit des deux Conseils se trouva modifié ; à leur subordination au Directoire qui avait été la caractéristique de la période comprise entre le 18 fructidor an V (4 septembre 1797) et le 1er prairial an VI (20 mai 1798), jour d’entrée en fonction des nouveaux élus, succéda, surtout en matière budgétaire, une tendance très accentuée à l’indépendance et à l’opposition. Toutefois, il n’y eut, d’une façon générale, de majorité bien arrêtée ni pour ni contre le Directoire.

Cette majorité exista pour essayer de traduire en actes le mécontentement de la masse électorale au sujet des spéculations et des dilapidations des fonds publics. Si elles n’étaient certes pas nouvelles, celles-ci paraissaient être, depuis la période d’omnipotence du Directoire, devenues plus effrontées et plus fréquentes ; on voyait là un rapport de cause à effet, alors que ce n’était probablement que la conséquence toute naturelle de l’absence continue de répression due à la simple persistance de certaines complicités d’ancienne date. Les députés se firent les interprètes de l’indignation publique ; il y eut de bonnes paroles dites et ce fut tout. La commission spéciale que, le 19 thermidor an VI (6 août 1798), les Cinq-Cents décidèrent de nommer dans le but de prévenir les dilapidations, et les promesses faites ne devaient rien changer au fond des choses. En revanche, le gouvernement obtenait, par la loi du 18 messidor an VI (6 juillet 1798), l’autorisation de procéder pendant un mois à des visites domiciliaires pour l’arrestation des émigrés rentrés, des agents de l’Angleterre, des prêtres sujets à la déportation rentrés, et des Chouans ayant repris les armes. Il eut aussi la majorité, le 8 fructidor an VI (25 août 1798), aux Cinq-Cents, et, le 9 (26 août), aux Anciens, pour la prorogation, pendant un an au maximum, de l’art. 35 de la loi du 19 fructidor an V (5 septembre 1797) qui avait, pour un an seulement, mis les journaux à la discrétion de la police ; il est vrai — et ce n’est pas une excuse — que le prétexte était d’armer le gouvernement contre les royalistes. La guerre contre les royalistes et les cléricaux est une chose excellente ; mais il y a, et la restriction de la liberté de la presse est du nombre, des armes dangereuses pour ceux qui les emploient : de telles mesures, aussi mauvaises au point de vue pratique qu’au point de vue théorique, se retournent souvent contre ceux qui ont eu — en dehors de toute autre considération — la maladresse de les voter. Le Directoire s’empressa, du reste, d’user de la loi pour supprimer des journaux républicains : par exemple, le 26 fructidor (12 septembre), le Journal des Francs — c’était, après le Persévérant et le Républicain, la suite du Journal des hommes libres, supprimé, nous le savons, le 22 germinal — et, le 1er jour complémentaire an VI (17 septembre 1798), le Révélateur.