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Marshall un mémoire de leurs demandes auquel, en mars seulement, Talleyrand répondit qu’il préférait n’avoir affaire qu’à Gerry ; nouveau mémoire (avril), de protestation cette fois, de Marshall et de Pinckney qui insistèrent pour obtenir leurs passeports ; Talleyrand les leur envoya après s’être assuré que Gerry resterait à Paris pour continuer les négociations si étrangement entamées. Gerry quitta la France en août 1798, lorsque les choses se gâtèrent après la publication, aux États-Unis, de la démarche faite par les agents de Talleyrand qui essaya alors de tourner l’affaire en ridicule et de représenter les délégués américains comme s’étant laissé duper par des intrigants.

Des mesures furent prises dans les deux pays : les États-Unis armèrent navires et soldats ; des Français capturèrent des bâtiments de commerce américains. Il y eut même quelques petits faits de guerre : la prise d’une frégate française (21 pluviôse an VII-9 février 1799) dans la mer des Antilles par une frégate américaine fut, aux États-Unis, le motif d’un enthousiasme immodéré. Toutefois, quelque temps après, le président des États-Unis, John Adams, sachant qu’une nouvelle mission serait cette fois bien accueillie en France et résistant aux velléités belliqueuses de quelques-uns de ses ministres, donna à cette mission l’ordre de partir (16 octobre 1799) pour entamer des négociations qui n’aboutirent qu’en octobre 1800.

CHAPITRE XVII

LE 18 FRUCTIDOR AN V. — LE 22 FLORÉAL AN VI.

(Messidor an V à fructidor an VI juin 1797 à août 1798.)

§ 1er. — Le Coup d’État du 18 fructidor an V. — La répression.

À l’entrée en scène du Corps législatif renouvelé, une joie impudente avait éclaté chez tous les adversaires de la République ; c’était pour les Incroyables et les Merveilleuses une fête ininterrompue. En dépit de la loi, on revit grouiller dans leur costume de carnaval les prêtres insoumis. Voici trois citations de journaux prises dans le recueil de M. Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire (t. IV) : Miroir du 5 prairial (24 mai) : « Il y a dans la rue de la Lune… deux réunions religieuses, l’une, très nombreuse, dans l’ancienne église Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, dirigée par des prêtres non assermentés, et l’autre beaucoup moins, dans une maison voisine, sous la direction de prêtres dits constitutionnels » (p. 134), et ceci confirme ce qui a été dit vers la fin du § 3 du chapitre xi sur les sentiments de la masse catholique ; Ami des lois du 7 prairial (26 mai) : « Partout où les prêtres réfractaires sont admis, l’opinion publique est corrompue et la République abhorrée ; déjà, ils rentrent en foule depuis l’installation des