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L’Allemagne était une fédération d’États avec un souverain désigné par un collège électoral, l’empereur, et une assemblée, la Diète, composée des envoyés des États de l’Empire ; telle était du moins l’apparence, car, en fait, la dignité impériale était, depuis longtemps, régulièrement octroyée au chef de la maison d’Autriche, tout en ayant beaucoup perdu de son autorité sur les États ; plusieurs de ces États avaient pour princes des archevêques ou des évêques. Le Directoire poursuivait la « sécularisation » de ces principautés ecclésiastiques dont il entendait se servir pour dédommager les princes laïques dépossédés sur la rive gauche du Rhin et, dans le traité de Berlin, la Prusse adhéra éventuellement à ce plan. Par les articles secrets du traité, la Prusse déclarait que si, lors de la paix avec l’Empire, la rive gauche du Rhin était cédée à la France, elle ne ferait aucune opposition à cette cession ; la plus grande partie de l’évêché de Munster devait, en ce cas, être pour elle l’indemnisation territoriale » de la perte de ses provinces sur la rive gauche du Rhin. Cependant, même après le traité, l’entente fut loin d’être complète entre les deux gouvernements : la Prusse ne se trouvait pas suffisamment avantagée et, tout en aspirant à substituer en Allemagne sa prépondérance à celle de l’Autriche, elle ne se laissera pas, malgré les efforts réitérés et les promesses plus ou moins sincères du Directoire, entraîner à lui déclarer la guerre. Frédéric-Guillaume II étant mort le 16 novembre 1797, eut pour successeur Frédéric-Guillaume III.

La ville libre de Hambourg, comme les villes hanséatiques Brème et Lübeck, faisait partie de l’Empire. L’importance de son commerce et sa situation de ville libre l’avaient transformée en lieu de rendez-vous pour une foule d’étrangers, agents politiques ou autres, de toutes les nationalités ; les émigrés français s’y étaient rendus en masse et le Sénat de Hambourg, qui cherchait à rester en bons termes avec tout le monde, manifestait publiquement une froideur, d’ailleurs sincère, à l’égard des gouvernants français, tout en leur accordant sous main certaines satisfactions telles qu’avances de fonds (messidor an IV-juin 1796), entraves apportées au commerce de faux certificats et de faux papiers facilitant la rentrée en France de nombreux émigrés, et même au séjour de ceux-ci (frimaire an V-novembre 1796 et pluviôse an VI-février 1798). Plus tard, encore préoccupé de gagner la Prusse qui, à ce moment, ne devait pas succomber à la tentation, le Directoire devait lui offrir Hambourg (frimaire an VII-novembre 1798).

Il chercha également à gagner l’Espagne à sa cause. Entre la France et l’Angleterre lui demandant toutes les deux son concours, il n’était pas facile à la cour espagnole de rester complètement neutre. L’alliance anglaise, c’était le commerce anglais admis dans les colonies espagnoles et la perspective d’une concurrence ruineuse ; c’était également la possibilité d’une invasion des troupes républicaines, avec le danger accru de la contagion des principes révolutionnaires. L’alliance française, c’était le désagrément de concessions à