Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en cassation contre les jugements des commissions militaires est admissible pour cause d’incompétence » ; le Directoire donna ordre de passer outre et ils furent fusillés. Or, de semblables pourvois formés par des condamnés à d’autres peines furent admis par le tribunal de cassation (Sciout, Le Directoire, t. II, p. 225), les 21, 22 et 23 germinal suivant (10, 11 et 12 avril 1797).

« Pache, constate Buonarroti (t. II, p. 11), fut le seul homme, hors de prison, qui embrassa ouvertement, dans un écrit imprimé, les opinions et la cause des accusés ». Cet écrit publié en l’an V sous le titre Sur les factions et les partis, les conspirations et les conjurations, et sur celles à l’ordre du jour, flétrit notamment la férocité de ces soi-disant « honnêtes gens » qui ne sont modérés que pour le bien général et dont on trouve de honteux spécimens à tous les moments de réaction. « J’ai vu, a écrit Pache (§ X), qu’un orateur royaliste avait dit qu’il fallait dans les conjurations, au défaut de faits, punir l’intention. Cette proposition n’est point celle d’un barbare. Les barbares n’ont point la politesse des hommes civilisés, mais ils ne sont pas dépourvus des sentiments de la nature, et ils ne les atténuent pas par de vaines subtilités. Elle est d’un de ces hommes dont les organes moraux sont à rebours, comme les organes physiques de ces enfants monstrueux qui ont l’œsophage au fondement ; elle est d’un de ces hommes qui, ainsi organisé contre nature, a vécu encore dans un état contre nature. »

L’accusation, sous laquelle se trouvaient Babeuf et ses amis, visait le fait de « conspiration contre la sûreté intérieure de la République, conspiration tendant à la destruction du gouvernement et de la Constitution de l’an III ». Des journaux ayant raconté que les accusés se querellaient, que de graves divisions existaient entre eux au sujet de leur défense, ceux-ci répondirent, le 25 pluviôse an V (13 février 1797) : « Il n’y a ici ni divisions, ni partis, ni querelles, ni craintes. Un seul sentiment nous anime, une même résolution nous unit ; il n’y a qu’un principe, celui de vivre et mourir libres, celui de nous montrer dignes de la sainte cause pour laquelle chacun de nous s’estime heureux de souffrir ». Tous les accusés sauf six ; (Pillé, Philip, Lambert, Thierry, Drouin, Nicole Martin) signèrent cette lettre sur laquelle on est heureux de constater la signature de tous les Égaux et de tous les Montagnards (Advielle, t.1er, p. 242).

La Haute Cour consacra quatre mois et demi aux actes préliminaires de procédure ; c’est pendant ce temps qu’une tentative d’évasion échoua : à la suite de coups sourds entendus par une sentinelle, les gardiens découvrirent, le 29 nivôse an V (18 janvier 1797), une ouverture déjà très avancée. Le 2 ventôse (20 février) les débats commencèrent dans le pavillon de l’ouest du grand bâtiment de la caserne actuelle. Les seize hauts jurés titulaires étaient, dans l’ordre où ils furent appelés à siéger par le jugement de la Haute Cour du 2 ventôse (Débats du procès, t. Ier, p. 21) — leurs noms sont écrits ici conformément à leurs propres signatures (Archives nationales, W3 559) — : Rey