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du 24 floréal (13 mai) de Merlin, ministre de la Justice, au président du Directoire (Archives nationales, AF III, 42), par laquelle il lui indiquait le moyen d’esquiver le conseil militaire, même s’il était réclamé par Germain qui était officier : on peut, du reste, être certain qu’il n’agissait pas ainsi par intérêt pour les inculpés. L’opinion de Merlin, qui était aussi celle de Cochon, prévalut et le directeur du jury d’accusation de la Seine, Gérard, fut saisi de l’affaire. Le 22 messidor an IV (10 juillet 1796) l’acte d’accusation était dressé par lui et voici, à titre de curiosité, le signalement de Babeuf d’après cet acte (Archives nationales, W3 566) : « taille de cinq pieds deux pouces — 1m, 678 — cheveux et sourcils châtains, yeux bleus, front moyen, nez ordinaire, bouche moyenne, une espèce de cicatrice à la joue droite près la bouche, menton carré, visage ovale » ; on peut rapprocher ce signalement de celui qui figurait sur le passeport délivré par les autorités de Laon, le 2 thermidor an II (20 juillet 1794), à Babeuf allant à Paris avec son fils (fin du chap. Ier), et qui portait (Combier, La justice criminelle à Laon pendant la Révolution, t. II, p. 93) : taille de cinq pieds deux pouces, cheveux et sourcils châtains, yeux bleus, nez effilé, bouche moyenne, menton rond, front bas, visage ovale coloré. Le 24 messidor (12 juillet), le jury déclarait qu’il y avait lieu à accusation.

Un des détenus, Drouet, un de ceux que l’échange avec la fille de Louis XVI avait récemment fait sortir des prisons autrichiennes, étant membre du Conseil des Cinq-Cents, ne pouvait (art. 114 et 268 de la Constitution de l’an III) être traduit que devant une Haute Cour de justice siégeant à 120 kilomètres au moins du lieu où résidait le Corps législatif. Le 23 prairial (11 juin), les Cinq-Cents avaient déclaré admettre la dénonciation contre Drouet ; le 2 messidor (20 juin), ils décidaient par 320 voix contre 72 qu’il y avait lieu à examen et, le 20 (8 juillet), les Anciens, par 141 voix contre 58, prononçaient l’accusation. On en profita pour renvoyer tous les prévenus devant la Haute Cour ; et Drouet, nous le verrons, s’étant soustrait aux poursuites avant l’entrée en fonction de la Haute Cour, celle-ci n’en fut pas moins maintenue pour les autres. Sa réunion à Vendôme fut décidée le 21 thermidor an IV (8 août 1796) par le Conseil des Cinq-Cents ; le 25 (12 août), le tribunal de cassation choisit parmi ses membres ceux de la Haute Cour qui fut ainsi composée : Gandon, président ; Pajon, Coffinhal, Moreau, Audier-Massillon, juges ; La Lande et Lodève, juges suppléants ; Viellart et Bailly, accusateurs publics. Elle s’installa le 14 vendémiaire an V (5 octobre 1796).

Le 30 thermidor (17 août), avec la complicité d’un gardien patriote, Drouet s’était évadé « furtivement », suivant le mot perspicace du Directoire dans un message aux Conseils, de la prison de l’Abbaye. Babeuf et quelques autres prévenus n’étaient restés qu’une dizaine de jours à l’Abbaye et avaient été ensuite enfermés dans la tour du Temple d’où ils avaient, eux aussi, failli s’évader. Un rapport du 11 thermidor (29 juillet) de Lasne, gardien du Tem-