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autre de l’instruction nécessaire pour son bonheur ; l’instruction doit être commune.

« 10. Le but de la révolution est de détruire l’inégalité et de rétablir le bonheur de tous.

« 11. La révolution n’est pas finie, parce que les riches absorbent tous les biens et commandent exclusivement, tandis que les pauvres travaillent en véritables esclaves, languissent dans la misère et ne sont rien dans l’État.

« 12. La Constitution de 1793 est la véritable loi des Français, parce que le peuple l’a solennellement acceptée ; parce que la Convention n’avait pas le droit de la changer ; parce que, pour y parvenir, elle a fait fusiller le peuple qui en réclamait l’exécution ; parce qu’elle a chassé et égorgé les députés qui faisaient leur devoir en la défendant ; parce que la terreur contre le peuple et l’influence des émigrés ont présidé à la rédaction et à la prétendue acceptation de la Constitution de 1795, qui n’a eu pour elle pas même la quatrième partie des suffrages qu’avait obtenus celle de 1793 ; parce que la Constitution de 1793 a consacré les droits inaliénables pour chaque citoyen de consentir les lois, d’exercer les droits politiques, de s’assembler, de réclamer ce qu’il croit utile, de s’instruire et de ne pas mourir de faim, droits que l’acte contre-révolutionnaire de 1795 a ouvertement et complètement violés.

« 13. Tout citoyen est tenu de rétablir et de défendre, dans la Constitution de 1793, la volonté et le bonheur du peuple.

« 14. Tous les pouvoirs émanés de la prétendue Constitution de 1795 sont illégaux et contre-révolutionnaires.

« 15. Ceux qui ont porté la main sur la Constitution de 1793 sont coupables de lèse-majesté populaire. »

Dans un rapport du 22 au 23 germinal (11 au 12 avril) à l’état-major de l’armée de l’intérieur (recueil de M. Aulard), il est dit que ce placard « a été applaudi de la plupart de ceux qui l’ont lu, notamment des ouvriers ». Quant au Manifeste des Égaux souvent cité, il ne fut connu que par le procès et Buonarroti (t. Ier, p. 115, note) nous a expliqué pourquoi : « Sylvain Maréchal, a t-il écrit, rédigea le fameux Manifeste des Égaux, auquel le directoire secret ne voulut pas qu’on donnât aucune publicité, parce qu’il n’approuvait ni l’expression : « Périssent, s’il le faut, tous les arts, pourvu qu’il « nous reste l’égalité réelle ! » ni l’autre : « Disparaissez enfin, révoltante « distinction de gouvernants et de gouvernés. » Il « n’aurait peut-être jamais vu le jour, sans la publicité qu’a bien voulu lui donner le tribunal », avait déjà dit Babeuf dans sa défense (Advielle, Histoire de Gracchus Babeuf, t. II, p 52). Les journaux que faisait répandre le comité secret, étaient le Tribun du peuple et l'Éclaireur du peuple fondé par Duplay, l’ami de Robespierre, et qui eut, du 12 ventôse (2 mars) au 8 floréal (27 avril), sept numéros. Ces journaux, du reste, ressemblaient plus à des brochures d’actualité