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principalement en bois. C’était l’homme qui était le plus souvent le moteur ; en dehors de la force humaine, on avait recours dans des cas très limités — le fait s’est produit, en 1797, pour une scierie (Dictionnaire de l’industrie, par Duchesne, an IX, t. VI, p. 33) — au vent, plus fréquemment au cheval actionnant un manège — c’était encore le cas en 1806 pour la fabrique de  : toile de Quévai à Fécamp (Moniteur du 21 novembre 1806, 3e page) — enfin, surtout, à la chute d’eau faisant tourner la roue hydraulique et j’en ai déjà signalé des exemples. Il y eut même à cet égard des abus auxquels le Directoire chercha à remédier par un arrêté du 19 ventôse an VI (9 mars 1798) qui prescrivait de dresser l’inventaire des divers travaux exécutés pour tirer parti des cours d’eau, d’examiner les titres et l’utilité ou les inconvénients de chacun d’eux et de n’en plus laisser faire sans autorisation préalable. Le 13 brumaire an VI (3 novembre 1797), Joseph Montgolfier et Argand prenaient un brevet permettant d’utiliser les chutes d’eau peu considérables sans roues ni pompes, à l’aide d’un bélier hydraulique, par lequel est transformée en travail utile la force du choc que produit l’arrêt brusque d’une masse liquide en mouvement dans un tuyau.

On sait qu’avant notre période existait déjà en France la machine à vapeur, non seulement à simple effet, mais à double effet de Watt. Les frères Périer en avaient établi une de ce genre (Décade philosophique du 30 frimaire an V-20 décembre 1796, t. XI, p. 522), faisant mouvoir des moulins à blé sur la partie actuelle du quai d’Orsay plantée d’arbres, qui est en face du n° 75 et qui appartenait à cette époque à l’île des Cygnes, d’une superficie alors d’un peu plus de neuf hectares, en sus des machines à simple effet élevant l’eau de Seine à l’établissement de Chaillot (au coin de ce qui est aujourd’hui le quai de Billy, la place de l’Aima et l’avenue du Trocadéro ; il a été démoli à la fin de 1902) et au Gros Caillou, dans le petit bâtiment rectangulaire, légèrement en biais, sur le quai d’Orsay où il porte le n° 67, de ce qui, au début de 1904, est encore pour peu de temps la Manufacture des tabacs.

Le Journal des mines signale (n° de nivôse an IV-décembre 1795) une machine à vapeur mettant en mouvement une machine soufflante aux fonderies du Creusot, et (n° de thermidor an IV-juillet 1796) l’installation toute récente d’une machine à vapeur à la fonderie de canons de Pont-de-Vaux (Ain). Des détails donnés par le Journal des mines sur la machine du Creusot (p. 17), il résulte que la pression utile était de deux tiers d’atmosphère ; le cylindre avait 1m,09 de diamètre, la vitesse du piston était de 15 coups à la minute. Cette machine qui envoyait l’air à la fois à deux hauts fourneaux — 42 mètres cubes et demi à chacun par minute, « c’est-à-dire environ trois fois autant d’air que n’en consomme un haut fourneau ordinaire alimenté avec du charbon de bois » — brûlait 34 quintaux métriques de houille en vingt-quatre heures. Le 1er frimaire an V (21 novembre 1796),