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mystères et d’horreurs de Mme Radcliffe. D’ailleurs, au même moment, le succès allait aussi à Pigault-Lebrun qui avait commencé ses récits lestes mais souvent gais. Comme critiques d’art, il faut noter d’abord Émeric David qui recommanda aux artistes le travail d’après nature, ne renia aucune époque de l’art et défendit l’ancien art français dédaigné, il publia en 1796 son Musée olympique de l’école vivante des beaux-arts ; puis Amaury Duval, collaborateur de la Décade philosophique, revue dont le premier numéro avait paru le 10 floréal an II (29 avril 1794).

Au théâtre, la censure fut tantôt répressive, tantôt préventive : la loi du 2 août 1793 prescrivait la fermeture de « tout théâtre sur lequel seraient représentées des pièces tendant à dépraver l’esprit public et à réveiller la honteuse superstition de la royauté ». Celle du 14 août 1793 portait « que les conseils des communes sont autorisés à diriger les spectacles ». Un arrêté du comité d’instruction publique (voir le recueil de ses Procès-verbaux, par James Guillaume, t. IV, p. 550 et 551) du 24 ou du 25 floréal an II (13 ou 14 mai 1794), imposait à tous les théâtres la communication préalable de leur répertoire et, le 18 prairial suivant (6 juin 1794), le comité de salut public chargeait la commission de l’instruction publique « de l’examen des théâtres anciens, des pièces nouvelles et de leur admission » (Archives nationales, A F II*, 48). L’art. 3.56 de la Constitution de l’an III déclarait que « la loi surveille particulièrement les professions qui intéressent les mœurs publiques, la sûreté et la santé des citoyens ». Enfin, l’arrêté du Directoire du 25 pluviôse an IV (14 février 1796), s’appuyant sur les lois des 2 et 14 août 1793 et sur l’article précité de la Constitution, ordonnait aux officiers municipaux de veiller « à ce qu’il ne soit représenté… aucune pièce dont le contenu puisse servir de prétexte à la malveillance et occasionner du désordre ». En fait, les corrections ou interdictions imposées furent surtout ou serviles ou puériles.

Parmi les auteurs et leurs œuvres théâtrales, je signalerai, pour la tragédie, Marie-Joseph Chénier et son Timoléon (1794) avec des chœurs de Méhul, Ducis avec Abufar (1795) qui passe pour être sa meilleure œuvre originale, l'Agamemnon (1797), que les amateurs du genre jugent remarquable, de Népomucène Lemercier, Oscar (1796) et les Vénitiens (1798) d’Arnault ; pour la comédie, trois pièces en un acte d’Alexandre Duval, le Souper imprévu, les Héritiers (1796), les Projets de mariage (1798), et plusieurs pièces de Picard, à la fois auteur et acteur, en particulier les Amis de collège (1795), Médiocre et rampant (1797), et le Collatéral (1798) ; pour le drame — la représentation de Pinto de Népomucène Lemercier n’ayant pas été autorisée par le Directoire — la Jeunesse de Richelieu d’Alexandre Duval (1796), Falkland de Laya (1799), et Misanthrope et repentir, de Kotzebue, traduit par Bursay et « arrangé à l’usage de la scène française » par Mme Molé (1799). Notre plus grand auteur dramatique dans le dix-huitième siècle, au point de vue social, Beaumarchais, mourait à Paris le 18 mai 1799 ; deux jours après, le 20 mai