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sir de se régir intérieurement » ; dans la séance du surlendemain (31 mai), Villaret-Joyeuse avait défendu la théorie coloniale de l’ancien régime : « Les colonies, avait-il dit, sont dans notre politique moderne des manufactures exploitées au profit de la métropole ; elles exigeront sans doute encore longtemps un régime particulier pour leurs ateliers ». Au contraire, du côté des républicains gouvernementaux, on était hostile à toute décentralisation, on prévoyait le rattachement des colonies à la métropole, leur assimilation pour l’avenir, et leur soumission aux agents du gouvernement central pour le présent. Après la loi du 23 prairial, le Directoire réclama l’autorisation d’envoyer des agents à Saint-Domingue et, finalement, il obtint gain de cause ; la loi du 7 messidor an V (25 juin 1797) l’autorisa à y en envoyer trois au plus. Il faut, avait dit Thibaudeau aux Cinq-Cents le 2 messidor (20 juin), « prendre des moyens qui nous mènent graduellement à l’exécution de la Constitution, je ne les vois que dans un envoi d’agents chargés de préparer ces moyens d’exécution ».

La loi la plus importante au point de vue colonial dans notre période fut celle du 12 nivôse an VI (1er janvier 1798). Cette loi maintint au Directoire le droit d’envoyer aux colonies des agents chargés « de mettre successivement en activité toutes les parties de la Constitution ». L’art. 15 : « Les individus noirs ou de couleur enlevés à leur patrie et transportés dans les colonies, ne sont point réputés étrangers, ils jouissent des mêmes droits qu’un individu né sur le territoire français, s’ils sont attachés à la culture, s’ils servent dans les armées, s’ils exercent une profession ou métier », l’art. 18 ; « Tout individu noir né en Afrique ou dans les colonies étrangères, transféré dans les îles françaises, sera libre dès qu’il aura mis le pied sur le territoire de la République », et l’art. 31 abrogeant les dispositions de l’ancien régime, notamment l’édit « qui ordonne que les non catholiques seront exclus des colonies », confirmaient la loi du 16 pluviôse an II, faisant, au même titre, des noirs ou des mulâtres les égaux des blancs. Par l’art. 28 : « Les lois rendues, soit dans la partie de l’administration civile, militaire, soit dans l’ordre judiciaire, pour les départements continentaux, sont applicables aux colonies », par les art. 36 à 38 visant les contributions directes et indirectes, les droits d’enregistrement et de timbre et les patentes, et par l’art. 85 concernant l’instruction publique, c’était le régime de l’assimilation des colonies et de la métropole qui triomphait. Une exception, celle dont il a été déjà parlé et qui subsiste toujours, était faite sous le rapport commercial : assimiler les colonies à la métropole et imposer des droits de douane aux produits nationaux provenant des colonies, c’est perpétuer les douanes intérieures au détriment de celles-ci. L’art. 40 disait : « Les droits sur les marchandises apportées d’Europe et sur celles introduites par des bâtiments neutres continueront d’être perçus comme par le passé ; il ne sera pareillement rien innové aux droits imposés sur la sortie des denrées coloniales à leur chargement pour la