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n’a jamais existé » ; et, d’après le comte de Vauban : « l’on s’était rendu sans capitulation » (Mémoires, p. 136).

Le 3 thermidor (21 juillet), Tallien et Blad signaient un arrêté déférant les rebelles à la commission militaire conformément à la loi. Les prisonniers avaient été conduits à Auray ; le 9 (27 juillet), la première commission prononça 17 condamnations à mort ; les condamnés, parmi lesquels Sombreuil, étaient fusillés le lendemain à Vannes. En résumé, il y eut 10 041 acquittés ou libérés ; sur les 757 condamnés à mort, deux s’évadèrent, un avait été condamné deux fois, et 754, tous émigrés sauf un seul, marin déserteur, furent fusillés. Or, sur le monument que la Restauration éleva en leur honneur, on a inscrit 952 noms (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. 1er, p. 584-585). Faux et faussaires ont décidément pour ce parti-là un attrait irrésistible. Ce faux cependant a dû être atténué et, rappelant l’opinion d’un autre écrivain clérical, M. Billard des Portes, dans son ouvrage Charette et la guerre de Vendée, écrit (p. 471) : « M. Charles Robert estime que 791 furent passés par les armes ».

CHAPITRE IX

GUERRE ET DIPLOMATIE

(ventôse an III à brumaire an IV - mars à octobre 1795)

Au début de 1795, comme on l’a vu dans le chapitre iv, la République était victorieuse, la coalition formée contre elle avait été impuissante ; pour des motifs divers, presque tout le monde au fond désirait la paix. L’esprit de corps qui avait poussé les monarques européens à prendre en main d’une façon générale la cause royaliste, ne les empêchait pas d’avoir une conception très nette de leurs intérêts spéciaux ; aussi leur amour affiché des principes était-il d’autant moins actif que le profit personnel qu’il pouvait leur procurer devenait moindre. À ce point de vue, si la lutte soutenue par la France contre la Prusse et l’Autriche a facilité le succès du soulèvement national de la Pologne, ce soulèvement, diversion heureuse pour la France, contribua à désagréger la coalition qui la combattait.

La tsarine Catherine II avait bien rompu depuis 1792 avec la France coupable « de lèse-majesté divine et humaine » (de Larivière, Catherine II et la Révolution française, p. 370), elle donnait au comte d’Artois de l’argent et une épée, elle engageait l’Autriche et la Prusse à lutter pour la bonne cause, elle concluait, le 28 septembre 1795, une alliance avec l’Angleterre et l’Autriche ; mais elle mourut, le 17 novembre 1796, sans avoir risqué un soldat contre la République. Pour être elle-même libre ailleurs, elle était opposée à ce que les autres fissent la paix avec la France ; elle se réservait, tandis que la Prusse et l’Autriche suivraient plus ses conseils que son exemple, d’agir à