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p. 411) et désireux de contribuer à la suspension des hostilités, Slofflet, Bernier et Scépeaux offrirent, le 6 messidor (24 juin), d’envoyer l’un d’eux à Paris à cet effet. Un passeport fut délivré à Scépeaux et un autre ensuite à Amédée de Béjarry.

C’est qu’un événement grave pour le parti royaliste s’était produit à Paris. L’enfant qu’ils considéraient comme leur roi depuis le 21 janvier 1793, celui qu’ils appelaient Louis XVII, était mort à la prison du Temple (sur l’emplacement actuel du square de ce nom) le 20 prairial an III (8 juin 1795) et, le lendemain, un rapport de Sevestre l’annonçait à la Convention. Je n’entrerai pas dans la discussion à laquelle cette mort a donné naissance ; il m’apparaît que le décès de cet enfant a vraiment eu lieu au Temple et ne saurait être attribué qu’à son mauvais tempérament et à ses sales habitudes. Pour preuve de son mauvais tempérament, nous avons la constatation du comité de sûreté générale, le 29 frimaire an III (19 décembre 1794), et le témoignage de sa sœur Marie-Thérèse-Charlotte, depuis duchesse d’Angoulême, qui (Mémoire sur sa captivité, édition Plon, p. 144) dit en outre : « de son naturel il était sale et paresseux… il passait sa journée sans rien faire, et cet état où il vécut fit beaucoup de mal à son moral et à son physique » ; or, le procès-verbal de l’autopsie déclare que la mort a été le résultat « d’un vice scrofuleux existant depuis longtemps » (Moniteur, du 26 prairial an III-14 juin 1795). Pour preuve de ses sales habitudes, nous avons l’enquête d’octobre 1793 — il était alors âgé de huit ans et demi — et le témoignage de sa tante, Mme Elisabeth, avouant qu’il « avait longtemps auparavant le défaut dans lequel on l’avait surpris » (Lundis révolutionnaires, de Georges Avenel, p. 70). Certaines coïncidences curieuses, des erreurs de détail, des négligences n’autorisent pas à voir des rapports de cause à effet là où il n’y a eu que simultanéité fortuite.

D’ailleurs, qu’on veuille bien raisonner sans parti pris. Alors qu’une fraction royaliste devait désirer la mort de cet enfant au Temple, à la fois pour être débarrassée de cet obstacle à certaines ambitions et pour pouvoir se faire de cette mort une arme contre les républicains, ceux-ci auraient-ils eu la sottise de favoriser une évasion sous les apparences d’une mort défavorable à leurs intérêts, c’est-à-dire dans des conditions telles que tous les inconvénients de la situation subsistaient pour eux sans le moindre avantage ? C’est si invraisemblable qu’en admettant même l’évasion, elle ne peut être le fait de républicains. Elle aurait donc eu lieu sur l’initiative de royalistes plus ou moins avérés, qui ne pouvaient opérer que pour ou contre l’enfant. S’il a été enlevé par ses partisans, ceux-ci n’agissaient pas en vue de le cacher une fois sauvé ; or, s’il a vécu, comment peut-il se faire que personne ne l’ait aperçu nulle part, que sa disparition et l’absence de souvenirs contrôlables sur les premières années qui ont suivi sa sortie du Temple, aient été aussi complètes, que le prince de Condé enfin, l’instigateur d’après quelques-uns d’une telle évasion,