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mal ; elle s’imagina qu’il s’agissait de Fréron qu’elle détestait (La Revellière-Lépeaux, Mémoires, t. Ier, p. 206). Dans un accès de démence barbare, Migelly le piétina et un marchand de vins, Luc Boucher, coupa d’un coup de sabre la tête qui fut emportée sur la place du Palais national (place du Carrousel). Ce sont là de ces actes horribles qu’il est malheureusement plus facile de réprouver que d’empêcher.

Dans la salle, ce fut alors un tumulte effroyable ; les insurgés défilaient au pas de charge sous les regards des gardes nationaux qui occupaient le jardin des Tuileries et qui ouvraient parfois leurs rangs pour les laisser passer. Au milieu de la poussière et des cris continus, personne ne pouvait

Mort de Romme, Goujon, Duquesnoy, Du Roy, Soubrany, Bourbotte.
(D’après une estampe du Musée Carnavalet.)

se faire entendre. La foule maîtresse fut incapable de se maîtriser. Il y avait plus de trois heures que cela durait, quand un cortège pénétra dans la salle à la suite d’un homme portant la tête de Féraud au bout d’une pique. Le président Boissy d’Anglas, trop loué et qui fit surtout preuve de force d’inertie, laissant le temps s’écouler et la foule se dépenser en clameurs stériles, salua cette tête d’après certains récits vraisemblablement très arrangés. Un silence relatif, né de la stupeur, suivit cette sanglante apparition, et le chaos s’ordonna un peu.

Il fut convenu que les députés se tiendraient massés dans le bas de la salle, la foule occupa les gradins supérieurs ; elle devait rester couverte, tan-