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Commission pour ne pas s’associer à cette provocation. Un représentant, Raynal, sachant que le rapport apporte de nouvelles sévérités, s’écrie que ce n’est pas le moment de le lire. Mais Falloux s’obstine, il a menacé de donner sa démission si on ne lui laisse pas lire immédiatement ce rapport, qui pourtant ne devait être communiqué à l’Assemblée que le lendemain 24. Il lit donc, et, après des phrases vagues en faveur de la classe ouvrière, à laquelle les députés sont priés « d’assurer promptement les institutions tutélaires qui sont déjà votées dans leur cœur », il conclut à la dissolution des Ateliers nationaux, les ateliers de femmes exceptés, dans les trois jours qui suivront la promulgation du décret. Il admet la demi-solde pendant trois mois pour les brigadiers et employés (c’étaient ceux qui étaient le plus près de la bourgeoisie). Trois millions seront accordés aux autres pour indemnités et secours (c’était à peu près 30 francs par famille) ; mais ces secours seront supprimés pour quiconque aura été surpris dans un attroupement. Enfin il autorise l’État à prêter sa garantie aux entrepreneurs du bâtiment jusqu’à concurrence de 5 millions.

On aurait voulu couper court à toute possibilité de conciliation qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Le Comité du travail, qui plus tard protestera solennellement contre ceux qui le confondaient avec la Commission parlementaire d’où émanait ce rapport froid et tranchant comme une lame d’acier, essaie d’en atténuer la rigueur. Il y ajoute un adoucissement. Du moins son président, Corbon, non pas en vertu d’une délibération régulière, mais avec l’assentiment d’un grand nombre de membres du Comité, réclame-t-il le vote de trois millions pour encourager les associations ouvrières. Il ne parvient pas, toutefois, à obtenir un vote à ce sujet. C’est le moment qu’un autre représentant, Creton, choisit pour réclamer les comptes du Gouvernement provisoire et de la Commission exécutive, ce qui est voté d’urgence. Un troisième propose d’abaisser à dix-sept ans l’âge de l’enrôlement volontaire dans l’armée ; étrange cadeau fait aux familles pauvres ! L’Assemblée, houleuse, frémissante, est prise de cet affolement qui est une maladie des foules. Considerant a parlé d’un malentendu fatal. On crie : À l’ordre ! Ce sont des assassins. Il propose une proclamation pour ramener les égarés. « On ne pactise pas avec l’émeute », réplique le Président. Considerant rédige quand même une adresse aux ouvriers, où il est dit : « Sachez-le, sachez-le bien, dans son âme et conscience, devant Dieu et devant l’humanité, l’Assemblée nationale vous le déclare, elle veut travailler sans relâche à la constitution définitive de la fraternité sociale. L’assemblée veut consacrer et développer, par tous les moyens possibles et pratiques, le droit légitime du peuple, le droit qu’a tout homme en venant au monde de vivre en travaillant. Mais l’Assemblée écarte l’adresse de Considerant par la question préalable. « Notre devoir, dit Baze, est de rester impassibles. »

Caussidière revient à la charge. La nuit est venue. Il demande une proclamation aux flambeaux portée aux barricades par des représentants et il s’offre