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qu’elle serait tuée par une Banque hypothécaire qui culbuterait ensuite. Quoique vigoureusement défendu par le rapporteur Flandin, il succomba sous les coups de Léon Faucher, qui soutint que papier-monnaie est synonyme de fausse, monnaie et qu’une pareille institution équivaudrait à une Terreur financière ; de Thiers surtout, qui, dans un discours prestigieux, évoqua le souvenir des assignats et émit, avec quelques critiques justes, des aphorismes hardis comme celui-ci : Le numéraire ne manque jamais. — Le banquier Goudchaux, alors ministre des finances, le combattit aussi, et les cultivateurs continuèrent à emprunter au taux de 9, 10 et 12 0/0. D’autres projets, comme ceux de Langlois et de Wolowski, qui n’admettaient pas le cours forcé, furent entraînés dans la chute du précédent ; ils revinrent, plus ou moins modifiés, devant la Législative qui sembla disposée à leur faire bon accueil ; mais rien ne fut voté. Les époques calmes, qui suivent les époques révolutionnaires, en sont souvent les exécutrices testamentaires. Le Crédit foncier, sur des bases, il est vrai, moins larges et moins démocratiques, devait être réalisé par le Second Empire. La bancocratie triomphante avec Louis Bonaparte voulut bien alors organiser de grands établissements qu’elle savait tourner à son avantage.

Il est impossible en parcourant cette époque de ne pas être frappé de la rapidité avec laquelle les gros reconstituent leur suprématie sur les petits. Le moyen commerce, favorisé par le Gouvernement provisoire, le fut beaucoup moins, dès que le pouvoir passa aux mains des conservateurs. La loi sur les faillites était draconienne. Jules Favre avait proposé qu’on autorisât pour six mois, au profit des commerçants ayant suspendu leurs paiements, des concordats amiables, si les deux tiers des créanciers y consentaient. La proposition avait été prise en considération, avant les journées de Juin ; après, elle fut l’objet de deux rapports contradictoires et l’Assemblée adopta un texte qui ne relevait pas des incapacités et demi-flétrissures infligées aux faillis des commerçants, victimes de circonstances qui pouvaient certes passer pour cas de force majeure. Les faillis, même concordataires, furent plus tard inscrits parmi les citoyens que la Législative priva du droit de vote. La loi des patentes, fertile en abus qui provoquèrent des réclamations dans les Conseils généraux, ne fut pas modifiée. On s’en tint à un projet. J’ai déjà dit la contrainte par corps rétablie. Les monopoles constitués au profit de certains négociants, comme celui de la boucherie de Paris, subsistèrent. Il n’y eut de changement important dans la législation commerciale qu’un élargissement de la liste des personnes appelées à nommer les tribunaux de commerce. Un représentant voulait qu’ils fussent élus par le suffrage universel ; la loi se borna (28 août 1848) à conférer l’électorat non plus à quelques notables désignés par le préfet, mais à tous les commerçants patentés depuis cinq ans, auxquels on ajouta les capitaines au long cours et