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difficultés budgétaires ne permirent pas de réaliser tout ce qu’on espérait ; on agrandit et transforma du moins les établissements déjà existants de Grignon, de la Saussaye, de Grandjouan ; on en créa beaucoup de plus modestes ; on introduisit au Conservatoire des Arts et Métiers des cours d’agronomie et de législation rurale. Le vent soufflait si fort en ce sens que la science et la littérature mêmes se tournèrent de ce côté. En 1850, parait le Cours élémentaire d’agriculture de Girardin et Dubreuil ; en 1851, un Précis d’agriculture de Payen et Richard. C’est aussi le moment où George Sand, renonçant aux romans de passion et de réforme sociale, va se mettre à conter la vie des champs et les mœurs pittoresques de son Berry. Le 11 Février 1851, il fut question de nommer une nouvelle Commission pour rechercher les causes de la détresse agricole et les moyens d’y remédier.

On songea surtout à coloniser l’Algérie ; on vota sans hésiter 50 millions à cet effet ; on proposa même que chaque département de la mère-patrie créât un village dans cette France d’Outre-mer ; on fit des enquêtes sur les colonies agricoles de Suisse, de Belgique, de Hollande. Enfantin aurait voulu une administration civile et de vastes exploitations dans lesquelles les insurgés de juin et les indigènes auraient trouvé une égale occupation et un égal profit. On préféra un autre système où les idées de Trélat se mariaient à celles de Bugeaud, de Bedeau, de Lamoricière. La loi du 15 septembre 1848 décida l’envoi de 12.000 colons volontaires dans l’Afrique française et elle fut d’autant plus volontiers adoptée qu’on espérait ainsi, comme à Rome au temps des Gracques, se délivrer utilement et humainement du trop plein de la population des villes. Quarante-deux villages furent créés en conséquence. On donnait à chaque famille d’émigrants un lot de 10 à 12 hectares, une maison bâtie, des instruments de labour, des semences, un peu de bétail et des secours en argent. Les possesseurs de ces petits domaines ne devenaient propriétaires qu’au bout de la sixième année. Mais la plupart, citadins brusquement transplantés, étaient mal préparés à l’œuvre qu’ils devaient accomplir ; ils s’accommodaient mal de la tutelle accablante des chefs militaires, qui allaient bientôt redevenir tout à fait les maîtres. Les premiers résultats furent très médiocres et l’élan du début s’arrêta vite, ce qui n’empêcha pas pourtant l’Algérie de gagner durant cette période environ 40.000 colons de plus, partagés à peu près également entre les Français et les autres nationalités européennes.

En France même on dessécha des terrains marécageux, comme ceux de la Sologne ; on dota plusieurs départements d’un service hydraulique dirigé par un ingénieur spécial, on réorganisa les haras ; on vota des millions pour les chemins vicinaux et pour la plantation d’arbres le long des grandes routes (une des idées favorites de Pierre Leroux) ; on étudia et favorisa la mise en culture des biens communaux et des terres vaines et vagues, etc.

En somme la Deuxième République est une époque importante pour