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fois une tradition française et l’essence même de son socialisme. Querelles entre patrons et ouvriers, suscitées par les salaires, la durée de la journée, les règlements d’ateliers. Désireux de rapprocher le capital et le travail, ces deux ennemis inséparables, Louis Blanc fait venir les deux parties devant lui ; ainsi sont conjurées par des arrangements provisoires les grèves des mécaniciens de la grande maison Derosne et Cail, des paveurs, des couvreurs, des boulangers, des chapeliers, des blanchisseurs, des ouvriers en papiers peints, des cochers, des débardeurs, des maréchaux, des vidangeurs, des zingueurs-plombiers, des scieurs de pierres. C’était le germe, la naissance spontanée d’une institution nouvelle. L’État apparaissait comme l’arbitre-né entre les classes de la population qui se trouvent avoir momentanément des intérêts opposés. Louis Blanc fut officieusement, durant trois mois, le grand juge de paix dans le monde du travail.

Mais Louis Blanc et Albert, le 8 mai, renoncent à la présidence de la Commission qui est, du coup, atteinte mortellement. Suspecte de socialisme, elle était supprimée, sans décret, dès le 16 mai ; on lui enlevait sa salle de réunion ; on mettait ses papiers sous séquestre. Il ne lui survécut que le Comité central des délégués qui, sans bruit, mais non sans influence politique, se maintint jusqu’en 1850, et un petit nombre d’idées dont bénéficia la Constituante par l’entremise de son Comité du travail.

On ne parle d’ordinaire que de la Commission du Luxembourg. Elle eut des sœurs plus modestes, mais qui ne méritent pas l’oubli. Lyon eut comme Paris, sa Commission d’organisation du travail, son petit Luxembourg, qui resta en permanence jusqu’à la fin de Mars 1849. Elle tient ses séances dans le palais municipal Saint-Pierre. Elle est subventionnée par le Conseil général du Rhône. Elle compte une trentaine de délégués pris dans les différents corps de métiers, et, à côté d’eux, des avocats, des négociants, un instituteur, un représentant du peuple. Elle ne se borne pas à résoudre pacifiquement les conflits locaux ; elle envoie au Comité du travail des projets qui font penser à Louis Blanc et à Considérant. A Marseille, Émile Ollivier, commissaire de la République, a institué de même une Commission consultative ouvrière. A Lille, Delescluze préside des réunions qui ont pour but de rétablir « le bon accord des maîtres et des ouvriers ». A Anzin, au Creusot, etc…. des délégués de l’autorité remplissent le même office conciliateur.


Les associations ouvrières de production. — Mais il reste à étudier la partie la plus importante du programme de Louis Blanc, celle qui, dans sa pensée, devait avoir le plus d’influence sur l’avenir. Il s’agissait de créer par l’association un embryon de société socialiste ; de transférer pacifiquement aux travailleurs la propriété des instruments de travail ; de transformer les salariés en associés ; de faire enfin, avec l’aide de l’État, un essai coopératif.

Le système coopératif, qu’il s’applique à la production, à la circulation ou