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une gratuité presque absolue. Les Jésuites rceparaissent en plusieurs endroits, à Saint-Affrique, à Mende ; dans cette ville, le père Valentin a contracté hardiment avec la municipalité au nom de la Société de Jésus qui n’est pas reconnue en France ; le Conseil supérieur de l’Instruction publique ratifie quand même le traité, à la seule condition que le père Valentin figurera dans l’acte comme particulier, et non comme mandataire de la Compagnie. C’est toujours l’application du mot de Thiers au provincial des Jésuites : « Surtout ayez soin de ne pas dire que vous êtes Jésuite. Les catholiques étaient ravis et même un peu effrayés de la multiplication des établissements ecclésiastiques qui risquaient de se faire une concurrence ruineuse. Dupanloup, avant le vote de la loi, énumérait les avantages espérés, entonnait comme un chant de triomphe ; et Louis Bonaparte, quelques mois après, dans son Message à l’Assemblée du 4 novembre 1851, se félicitait des résultats obtenus. Dans l’enseignement primaire le succès fut moins éclatant pour l’Église, autant qu’on en peut juger par les chiffres de la statistique. Le Message que je viens de citer signale en dix-huit mois une augmentation de 806 sur le nombre des écoles. Mais elle ne porte pas sur celui des écoles libres de garçons ; tout au contraire, il y a de ce côté diminution (4,622 au lieu de 4,950). Il semble que l’Église ait d’abord dépensé le plus net de ses efforts et de ses ressources à la conquête de la bourgeoisie. Celle-ci (Thiers en est la preuve) ne tenait pas au développement de l’instruction populaire. Aussi ne faut-il pas s’étonner si, de 1847 à 1850, il y a recul sur le chiffre total des élèves :


_____ Nombre total des élèves.   Garçons.     Filles.  
_____ 1847 3,530,137 2,176,079 1,354,056
_____ 1850 3,322,423 1,793,667 1,528,756


Mais ce recul frappe uniquement les garçons et il est permis de penser que la situation faite aux instituteurs y est pour quelque chose. En revanche le nombre des filles s’est accru de 200,000 environ ; c’est qu’en effet l’Église a gardé sa prédilection intéressée pour l’enseignement des femmes. Ici les chiffres sont parlants. En 1847, 19,414 écoles de filles. En 1850, 20,189. Et, tandis que les écoles laïques sont en décroissance (52,225 en 1843 — 50,267 en 1850, les écoles congréganistes accusent une hausse considérable (7,613 en 1843 — 10,312 en 1850, et sur ces dernières il y en a 6,464 qui sont des écoles publiques). Si l’on feuillette le Bulletin des lois de l’année 1849 à l’année 1851, on relève par dizaines des fondations d’établissements religieux : Sœurs de la Charité, de la Providence, de l’Éducation chrétienne, de la Doctrine chrétienne, de la Miséricorde, de la Sainte Famille, de la Présentation de Marie, de Saint-Charles, de Saint-Vincent-de-Paul, de Saint-Thomas de Villeneuve, de Saint-André, de Saint-Roch, de Saint-Joseph, de Saint-Louis, de la Nativité de la Vierge, de Sainte-Chrétienne, de Notre-Dame de Bon Secours, de Notre-Dame des Anges, de l’Enfant-Jésus, sans compter les