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supérieur de l’Instruction publique. Le pape, qui était demeuré longtemps hésitant et muet entre les deux groupes catholiques, se décida enfin, au bout de deux mois, à répondre à une lettre pressante de Montalembert en lui exprimant sa reconnaissance ainsi qu’à Falloux et en invitant les évêques à tirer le meilleur parti possible d’une loi imparfaite. Jamais, avait écrit Montalembert, on n’eut obtenu pareille loi d’aucun des régimes précédents ; jamais on n’en obtiendrait de meilleure d’une Assemblée future. Les évêques se soumirent, moins un seul. Ils s’avisèrent un à un des avantages énormes que la loi conférait à l’Église. Mgr Doney, évêque de Montauban, qui avait trouvé la présence des évêques dans les Conseils universitaires embarrassante et peu loyale, écrivait le 25 octobre 1850 : « Le Conseil académique (celui de Tarn et Garonne) est très bon et ne laisse rien à désirer. Le préfet me disait l’autre jour : « — Vous êtes le maitre du Conseil académique et vous le conduirez comme vous voudrez. » Et l’évêque ajoutait : « Si mes curés veulent suivre mes conseils, ils dirigeront l’instruction primaire comme ils voudront. »

C’est dans l’enseignement secondaire que les effets de la loi furent le plus sensibles. Partout, rôle considérable rendu à l’aumônier qui se fait le surveillant, et, au besoin, le dénonciateur des professeurs de philosophie et d’histoire ; invasion des Écoles militaires par des jeunes gens qui « donnent l’exemple de l’obéissance ouverte aux prescriptions de l’Église » ; à l’École normale supérieure entrée d’un nombre notable de catholiques, rétablissement de la messe obligatoire qui était devenue facultative après février, et bientôt révocation de Vacherot, directeur des études, après que le Père Gratry, aumônier de l’établissement, l’a censuré pour avoir émis des opinions peu orthodoxes sur les origines de la théologie chrétienne ; neutralité politique apparente observance des devoirs religieux, visite à l’évêque imposée aux professeurs de collèges et lycées ; livres de prix faisant la fortune de la grande librairie catholique de Tours, la maison Mame ; baisse notable aussi dans le niveau des études classiques (les professeurs des Facultés se plaignent que l’abolition du certificat d’études ait multiplié pour les examens du baccalauréat des candidats qui n’ont pas terminé leurs classes et qui se fient à une préparation hâtive ; le nombre des bacheliers et licenciés ès-lettres notablement diminué durant les années qui suivent ; puis quantité de villes profitant de l’autorisation qui leur est donnée de remettre leurs collèges aux mains des prêtres ; c’est le cas pour Ancenis et Saint-Dizier qui ont devancé le vote de la loi, pour Arles, Guingamp, Tarascon, Draguignan, Château-Gontier, Brignoles, Orthez, Saint-Chamond, Roanne etc. De 1850 à 1852 on compte la création de 257 établissements libres et les circulaires ministérielles recommandent d’être d’une largeur extrême à leur égard. Un Comité supérieur de l’enseignement libre, où siègent Montalembert, Molé, Beugnot, encourage, dirige, soutient les nouvelles fondations, leur permet d’établir des rabais considérables et parfois