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cultes qui voudront y entier pour y surveiller l’enseignement religieux ; astreints à faire répéter le catéchisme et à conduire les enfants aux offices ; tel est le bilan de la loi nouvelle, en ce qui concerne l’enseignement primaire. Elle le réduisait à l’humilité et à la plus parfaite subordination à l’égard de la classe riche et du clergé. « La liberté d’un tel enseignement, disait Dupanloup, sera toujours la liberté du dévouement. »

Pour l’enseignement secondaire, réservé presque uniquement à la bourgeoisie, l’attitude des partis ne fut pas la même. Ici, dans la Commission, Thiers est à gauche. Les fils de la classe dominante n’ont pas, suivant lui, besoin du même frein que les enfants du peuple ; la religion, nécessaire pour les derniers, ne l’est pas pour les premiers ; leur intérêt suffit à les écarter des théories socialistes. C’est pourquoi, bien qu’un certain nombre d’économistes — Bastiat, par exemple — signalent les bacheliers pauvres comme des déclassés aussi dangereux pour l’ordre social que les petits faubouriens, bien qu’ils pressentent la formation d’un prolétariat intellectuel pouvant servir de guide et de porte-parole à l’autre, les Universitaires de la Commission, Cousin en particulier, estiment que l’enseignement classique — enseignement de classe, s’il en fut, — doit rester à peu près tel qu’il est. Thiers s’emporte contre la création de toute école professionnelle, qui rabaisserait la classe aisée au travail manuel. C’est bon pour faire de petits Américains ; mais, en France, vivent les belles-lettres qui sont les bonnes lettres ! Il prétend du moins que l’État a le droit de frapper la jeunesse à son effigie ; il défend le certificat d’études comme une garantie contre ceux qui, soit dans des écoles libres, soit même à l’étranger, à Fribourg, par exemple, où enseignent les Jésuites, peuvent apprendre à détester les institutions de leur pays. Mais Dupanloup, qui a le don de charmer Thiers par la souplesse d’une éloquence insinuante, se charge de vaincre sa résistance et de négocier une transaction, une sorte de Concordat, suivant le mot que hasardera Montalembert. Il pose quatre conditions à l’entente : D’abord, au nom de la liberté qu’il réclame, « non pour les clubs », cela va de soi, mais pour l’Église, suppression de ce certificat d’études qui est une vaine et parfois fausse estampille officielle sur les candidats au baccalauréat. Puis, abrogation du décret de 1828 (un décret de la Restauration !) qui astreint les petits séminaires à ne recevoir qu’un certain nombre de futurs prêtres portant dès leur entrée la soutane ; leur transformation en simples pensionnats ecclésiastiques, ayant les mêmes droits que les lycées et collèges, mais placés sous la direction exclusive des évêques. L’Église compte, pour leur fournir une clientèle, sur la conversion de la bourgeoisie et sur l’idée généralement acceptée que l’État doit vendre son enseignement et le maintenir cher, pour en tirer une recette appréciable. En troisième lieu, permission aux directeurs et professeurs d’établissements libres de n’avoir pas les mêmes grades que ceux des établissements publics. Enfin, admission