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de l’ordre, avec les qualités et les défauts que comporte ce mot de fanatique : convictions fortes et étroites, fermeté poussée jusqu’à l’entêtement, incompréhension totale de ses adversaires, absence de scrupules et dureté impitoyable à leur égard. Il est le grand Inquisiteur qui se charge d’extirper le socialisme, non plus par le raisonnement, mais par la force. Quand les hommes de la rue de Poitiers annoncèrent qu’ils allaient combattre les idées socialistes à coup de livres et de brochures, Louis Blanc s’en déclara joyeux et Considérant envoya vingt-cinq francs à la souscription.


Types d’imbéciles qui lisent un journal socialiste pour se faire peur.
(D’après une estampe du Musée Carnavalet.)


En effet, même déshonorée d’injures et de calomnies, la discussion, quand elle est libre, est une lutte à armes égales. Mais Granier de Cassagnac exprime cyniquement la nécessité de ne pas laisser durer cette liberté. « Il faut, non pas réfuter le socialisme, mais le supprimer. » — On ne discute pas plus avec les socialistes que la faux avec l’ivraie — dira-t-il encore. — C’est donc l’expression même des opinions socialistes que les amis de l’ordre et Léon Faucher, leur exécuteur des basses œuvres, prétendaient empêcher. C’est lui qui déclare contraire à la Constitution le cri de : Vive la République démocratique et sociale ! C’est lui qui fait la guerre aux bonnets rouges, considérés comme emblèmes séditieux ; c’est lui qui rassure à chaque instant le pays de façon à l’épouvanter, qui verse au Moniteur des rapports de police « souvent inexacts », comme l’avoue Odilon Barrot en un charmant euphémisme, et dans lesquels le socialisme est accusé de tous les méfaits qui se commettent