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nommée par l’Assemblée le 17 et le 18 mai, comprenait des hommes distingués appartenant à tous les partis, sauf au parti légitimiste, qui, resté presque tout entier fidèle à la royauté de droit divin, n’avait rien à voir dans l’organisation de la souveraineté populaire. La République modérée y était représentée par Cormenin, qui en fut d’abord le président, par Marrast qui en fut le rapporteur, par Woirhaye qui en fut le secrétaire, par Vaulabelle encore et le pasteur Coquerel, par Corbon, l’ouvrier plus voisin des bourgeois que de ses camarades. Les ralliés de la République, vieux routiers du parlementarisme qui avaient formé l’opposition au temps de Louis-Philippe, y figurent en bon nombre : Odilon Barrot, Dufaure, Dupin aîné, Vivien, Tocqueville et son ami de Beaumont, qui étaient allés étudier la démocratie aux États-Unis, mais qui la connaissaient plus qu’ils ne l’aimaient. Ces deux groupes y étaient dominants. L’esprit vraiment démocratique n’y avait qu’une petite place avec Lamennais et Considérant, qui, malgré sa qualité de socialiste, forçait le respect, au dire d’un de ses adversaires, « par la modération dans ses doctrines, la tenue dans sa personne, la réserve dans son langage. »

Un projet fut élaboré en un mois ; il fut déposé le 19 juin et renvoyé à l’examen des bureaux. Dans l’intervalle eurent lieu les journées de juin : il était impossible que le projet ne s’en ressentît pas. Les délégués des bureaux réclamèrent des modifications graves ; Cavaignac et les ministres furent également entendus ; et le nouveau projet, qui fut présenté le 30 août à l’Assemblée, accompagné d’un rapport de Marrast, offre avec le premier des différences notables. Elles peuvent se résumer ainsi : ton moins évangélique ; tendance moins cosmopolite ; part plus petite à la liberté, aux réformes démocratiques et sociales ; décoloration sensible et générale.

La discussion commence le 4 septembre et se continue sans interruption jusqu’au 27 octobre. Six semaines de débats sur un sujet pareil, c’était peu. Mais on a hâte de sortir du provisoire. Dès que le Comité a révisé le texte adopté par la Chambre, une seconde lecture a lieu le 31 octobre et, après une discussion de deux jours, le vote définitif est acquis le 4 novembre.

La Constitution ainsi acceptée comprend deux parties très inégales d’importance : un préambule qui est un exposé de principes, et une série d’articles qui en sont l’application.

Le préambule, dont la rédaction fut confiée à Cormenin, Considérant et Vaulabelle, devait être d’abord une déclaration des droits et devoirs du citoyen. C’était un souvenir de la grande Constituante. On avait énuméré et défini les sept droits suivants garantis par la Constitution : L’égalité, la liberté, la sûreté, l’instruction, le travail, la propriété, l’assistance. Mais les bureaux avaient eu peur des concessions faites au peuple ; le troisième, par la bouche de Thiers, s’était prononcé vivement contre ce qu’il nommait des hérésies ; il avait soutenu que la société devait seulement promettre et non garantir le travail, l’instruction et l’assistance, parce qu’il ne dépendait pas