duit. Il y eut dans une partie du peuple de la stupeur, chez quelques-uns un commencement de révolte. « Ce sont nos patriotes, disaient les femmes aux Cordeliers, il faudra bien qu’on nous les rende. » Mais les meneurs secondaires des Cordeliers découverts maintenant par l’arrestation des chefs étaient frappés d’hésitation et de terreur.
Peu à peu les explications données aux Jacobins par le Comité de Salut public rallièrent les esprits. Les Jacobins, qui prenaient sur les Cordoliers une revanche éclatante, se groupèrent en masse autour du Comité de Salut public. Celui-ci, pour bien marquer qu’il n’entendait faire aucune concession aux indulgents, fit arrêter, quatre jours après, Hérault de Séchelles et Simond, accusés d’avoir tenté de sauver un homme prévenu d’émigration.
Dans le procès fait aux hébertistes, et auxquels Anacharsis Cloots déjà détenu fut adjoint, on mêla la faction d’Hébert et un groupe d’intrigants, Proly, Pereyra, Desfieux. Quel lien y avait-il entre ces hommes et la faction d’Hébert ? Aucun, semble-t-il. Ils étaient, eux, les entremetteurs internationaux. Ils cherchaient à mettre la République en communication avec les autres puissances. Ils s’offraient à tous les révolutionnaires préoccupés de la paix comme les diplomates occultes et bénévoles, comme les négociateurs secrets et irresponsables que l’on peut utiliser sans péril, pouvant toujours les désavouer. Ce sont eux qui avaient, un moment, formé l’entourage de Dumouriez. Ce sont eux qui semblent avoir été initiés à la politique de ménagement que Dumouriez et Danton voulaient (si sagement d’ailleurs) pratiquer envers la Prusse pour la détacher de la coalition. Ce sont eux qui avaient tenté de réconcilier Dumouriez avec les Jacobins, sans doute pour se donner à eux-mêmes le moyen de continuer leur rôle équivoque de négociateurs après l’écrasement prévu de la Gironde, que Desfieux haïssait parce que ses tares d’aventurier et de failli bordelais étaient connues d’elle. Il y avait donc, en somme, une sorte d’antinomie entre cette politique d’intrigue européenne tendant à la paix, et la politique hébertiste tendant à la perpétuité de la guerre. Rapprocher Anacharsis Cloots et Proly, destiner ces deux têtes au même panier semblait donc un audacieux et sinistre paradoxe. Mais tous ces hommes s’étaient rencontrés avec Hébert chez le banquier hollandais Cook, avec les frères Frey. Chez ces révolutionnaires bataves et autrichiens avaient fréquenté Chabot comme Proly, Proly comme Hébert et Cloots. Admirable illustration, pour le Comité de Salut public, de la solidarité qui reliait entre eux, malgré leur contradiction apparente, ceux qu’il appelait d’un même mot « la faction de l’étranger ».
Ces à-peu-près terribles se mêlent toujours à la justice des révolutions. Les hébertistes se défendirent mal ; j’entends par là qu’ils nièrent. Ronsin et Momoro eurent de la fermeté et du courage. Momoro même, quelques beaux cris profonds et sincères : « On m’accuse, moi, qui ai tout donné pour la Révolution ! »