sait ; que cherchait-elle ? La foule crut qu’elle s’amusait du mouvement des flammes tricolores, avec cette sorte de puérilité que donne parfois l’approche de la mort qui livre au hasard des impressions l’esprit délié de l’ordre des choses. Elle cherchait un prêtre insermenté, de qui elle pût recevoir la seule bénédiction qui comptât pour elle. Elle le reconnut à une fenêtre, et s’inclina imperceptiblement. Ce signe léger mettait entre la foule et elle un abîme plus profond que la mort.
Barnave fut conduit au supplice le 29 octobre. Il essaya de dire quelques mots au peuple ; à quoi bon ? Depuis les jours où sa parole trouvait de l’écho s’étaient écoulés des siècles, et la foule qu’il croyait haranguer était dans un lointain infini. Le 1er novembre, vingt et un Girondins, parmi eux Brissot, Gensonné, Carra, Vergniaud, Claude Fauchet, Boyer-Fonfrède, Lasource, furent conduits au pied de l’échafaud : quelle charretée de gloire et de déception, d’intrigue et de génie ! La Révolution, à pleins tombereaux, charriait au bourreau des hommes qui furent à elle, qui l’avaient servie et qui ne croyaient pas l’avoir méconnue. Ils avaient appris sans doute, avant de mourir, que même sans eux la Révolution saurait combattre, organiser et vaincre, et ce fut le plus terrible châtiment de leur étourderie vaniteuse. Toutes ces têtes blêmes furent recueillies dans un même panier.
Quelques jours après, le 8 novembre, c’est Mme Roland qui mourait, calme, stoïque, mais toujours accusatrice : « Ô Liberté ! que de crimes on commet en ton nom ! » Triste écho de l’éternelle dénonciation où depuis un an les Roland s’étaient obstinés.
Pendant que la Révolution frappait un grand coup terrible et confondait la Gironde et la royauté dans le pêle-mêle de la mort, elle domptait la guerre civile, elle refoulait l’insolence étrangère. Carnot donnait aux armées l’organisation tout ensemble et l’élan. Il réalisait l’amalgame qui n’avait guère été encore que projeté ou timidement appliqué. Désormais, volontaires et soldats de ligne sont fondus. Et l’emportement de l’offensive jette partout les soldats de la Révolution sur l’ennemi déconcerté.
Le général Couteaux, en une marche rapide, culbute les détachements que la contre-révolution marseillaise avait distribués dans la vallée du Rhône. À la fin d’août il entre à Marseille. Lyon est investi ; de Saint-Étienne, de Saint-Chamond, de Clermont, partent par milliers des volontaires qui vont grossir l’armée assiégeante. Couthon, monté dans la chaire de la cathédrale de Clermont, y prêche contre la ville rebelle, contre la cité des riches, des moines et des rois, la croisade sainte de la liberté et de la loi. Les boulets rouges pleuvent sur la grande ville sombre ; elle s’enflamme, et l’horizon est comme illuminé au loin d’une aurore boréale. Le 9 octobre elle est forcée, et le général Précy ne peut sauver que quelques bataillons décimés. La Convention, par un décret terrible, ôte à la ville vaincue jusqu’à son nom ; ce ne sera plus Lyon, ce sera Commune-Affranchie, et les maisons des riches, les somp-