Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/832

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Thuriot lui répondit :

« La France n’est pas altérée de sang ; elle n’est altérée que de justice. »

Oui, mais quand viendra l’heure où la soif de justice ne se désaltérera plus dans le sang ?

Danton, pareil au fondeur qui échauffe le métal pour le rendre ductile, passionna les esprits pour les assouplir à sa tactique de sagesse. Quand il les eut comme enflammés de parole révolutionnaire, c’est contre l’ennemi du dehors surtout qu’il tourna leur colère véhémente. Que les ministres reçoivent cent millions et que partout on fabrique des piques. Et soudain, comme s’il voulait frapper les contre-révolutionnaires, les modérés qui abondaient dans les sections, il proposa une mesure à deux fins :

Les ouvriers, obligés de travailler pour vivre, ne pouvaient se rendre aux assemblées de sections. Au contraire, les muscadins, les fils de bourgeois y allaient en nombre. Que propose Danton ? Qu’il n’y ait que deux assemblées de sections par semaine, et que les ouvriers qui s’y rendent reçoivent 2 livres par séance. Oui, la force populaire sera ainsi dominante dans les sections. Mais les Enragés, qui, eux, soutenus par leur exaltation même, allaient aux assemblées de sections et qui parfois y faisaient la loi, sont frappés du même coup. Ces petites minorités ardentes vont être noyées dans un large flot. Les Enragés le comprirent bien, et quelques jours après, Varlet vint protester en leur nom contre une mesure humiliante, selon lui, et dégradante pour le peuple autant que funeste à la liberté.

Mais Robespierre s’éleva avec force contre Varlet, la mesure fut maintenue : sous le couvert d’une proposition populaire, Danton avait aboli la permanence des sections, dégagé le pouvoir exécutif et la Convention de leur intervention presque quotidienne et donné à l’action populaire une base plus large et mieux équilibrée. Ainsi, jusque sous l’action véhémente du peuple, la Convention gardait sa maîtrise.

Le 5 septembre marque l’ouverture officielle de la Terreur par la création de l’armée révolutionnaire, par une vigoureuse adaptation nouvelle du tribunal révolutionnaire divisé en quatre sections pour mieux suffire à sa besogne accrue. J’observe que ni les délégués des Jacobins ni ceux de la Commune ne parlèrent du maximum. C’est surtout par la terreur communiquée aux fermiers, aux marchands, aux accapareurs, qu’ils comptaient régler la question des subsistances. Mais la Convention comprit que seule la taxation légale des denrées pouvait assurer la subsistance du peuple sans livrer la France à un despotisme sauvage, et, le 29 septembre, elle rendit le grand décret qui tarifait toute la vie économique de la nation, les marchandises, les salaires.

« Les objets que la Convention nationale a jugés de première nécessité, et dont elle a cru devoir fixer le maximum ou le plus haut prix sont : la viande fraîche, la viande salée et le lard, le beurre, l’huile douce, le bétail, le poisson salé, le vin, l’eau-de-vie, le vinaigre, le cidre, la bière, le bois à brûler, le