primer la liberté publique, peut-être même, et je le crains tous les jours, s’empareraient-ils de la trésorerie et de la caisse de l’extraordinaire. »
Et cela finit par un cri de folie et de contre-révolution impuissante :
« La majorité de la Convention a beau faire : elle sera subjuguée par la Commune, si elle ne terrasse et si elle ne ferme les clubs des Jacobins et des Cordeliers. »
Quand je dis que c’est la fin du Patriote, non, je me trompe : les toutes dernières lignes sont l’annonce d’un cours de chimie du grand savant Vauquelin :
« Le citoyen Vauquelin commencera lundi 3 juin, à quatre heures après-midi, un cours de chimie appliquée aux arts, qu’il continuera les mercredis et vendredis à la même heure. S’adresser au laboratoire du citoyen Fourcroy, rue des Bourdonnais, à la Couronne d’or. »
Girondins ! pourquoi n’avez-vous pas emprunté un peu de sa sérénité impersonnelle et de sa patience à la science éternelle et lente ? Quel malheur que sous son rayon, aimé de vous pourtant, ne se soient pas un peu apaisées vos agitations misérables !
Dès le 1er juin, les plus clairvoyants d’entre eux se sentirent perdus. Ils essayèrent de délibérer chez l’un d’eux, mais ils ne purent se réunir en assez grand nombre ni arrêter un plan commun.
C’est dans une vaste maison appartenant à Meillac, assez écartée et discrète, que les Girondins se réunirent.
« Nous arrêtâmes, raconte mélancoliquement Pétion, d’y passer toute la nuit étendus sur des chaises et de ne pas nous quitter. Nous convînmes de réunir le lendemain, dès le matin, les trente-deux proscrits et les douze membres de la Commission extraordinaire afin de prendre une mesure commune.
« La générale battit, le tocsin sonna une partie de la nuit. Malgré toutes nos démarches, nous ne pûmes réunir qu’une vingtaine de membres. Les principaux étaient Brissot, Vergniaud, Gensonné, Guadet, Buzot. »
Solitude précaire et menacée, détresse et désarroi, c’était déjà comme un campement en désordre sur les routes de la proscription, de la souffrance et de la mort. La dispersion des volontés préludait à la dispersion de l’exil. Ceux mêmes qui se trouvaient rassemblés chez Meillac ne purent s’entendre pour une action commune. Iraient-ils en cette journée du 2 juin à la Convention ? La plupart renoncèrent à braver inutilement un péril que désormais nul ne pouvait conjurer. Mais Barbaroux s’évada presque de force pour aller affronter la tempête. Resteraient-ils tous à Paris pour ne pas exaspérer la Révolution victorieuse par la menace d’une guerre civile des départements et de la capitale ? Ou bien iraient-ils tous faire appel aux départements pour que l’étendue même de leur protestation avertît la conscience publique ?