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des personnes qui en ont médité le plan ; il pense qu’il serait temps d’exécuter demain ce que l’on se proposait d’exécuter aujourd’hui. »

La Commune, assez fortement assaillie, dégageait sa responsabilité. Elle accusait l’Évêché d’avoir agi avec trop de hâte, c’est-à-dire sans doute d’avoir sonné le tocsin et le canon d’alarme avant d’être assuré que le vaste écho des sections répondrait. Au demeurant, Hébert s’engageait, et engageait la Commune, pour le lendemain. « Non, tout de suite, » s’écrient des impatients, qui ne s’aperçoivent pas qu’il est aussi impossible de ramener au plus haut niveau révolutionnaire cette journée qui décline que de ramener au zénith le soleil qui s’abaisse.

« Un citoyen à qui ces mesures paraissent pusillanimes, offre de se mettre à la tête des bataillons de Paris et de se porter à la Convention. »

Devant la brutalité du plan, la Commune eut une révolte :

« Le Conseil général témoigne toute son indignation, toute son horreur pour une telle proposition. Le citoyen qui en est l’auteur est invité à se rendre au bureau pour y déclarer son nom, sa qualité et sa profession. Il répond aux diverses interpellations qui lui sont faites, et demande à être entendu jusqu’à la fin de sa motion. Il assure qu’il n’avait d’autre intention que de faire mettre en arrestation les membres soupçonnés de la Convention, pour les livrer ensuite à leurs départements qui en feraient justice. Le Conseil attribuant à l’ignorance et au défaut d’expérience le discours du préopinant, croit ne devoir donner aucune suite à cette affaire. »

Mais quelle suite eût-il pu lui donner ? Et comment aurait-il pu châtier un homme qui ne faisait que préciser le but réel de l’insurrection ?

« Le maire prend la parole à cette occasion. Il fait connaître que le peuple de Paris sait distinguer ses vrais amis des énergumènes et des imbéciles qui cherchent à l’égarer, et qui veulent l’engager dans de fausses démarches. Il prouve surtout que les mesures que vient de proposer le préopinant détacheraient à jamais Paris des départements et amèneraient la guerre civile. »

Quel jeu jouait donc la Commune ? et d’où venait cette sévérité subite pour un plan que déjà le maire, au nom des sections, avait soumis en avril à la Convention ? Croyait-elle la partie perdue pour le moment, et jugeait-elle prudent de se taire ? Ou bien voulait-elle, si le peuple se portait à la Convention et imposait l’arrestation des Girondins déjà dénoncés, que le mouvement fût spontané et qu’il émanât directement du peuple même ? L’expérience pourtant venait de démontrer que sans une impulsion vigoureuse et une direction certaine et centralisée le peuple ne marcherait pas, et la Révolution, comme un chariot grinçant et discordant, s’attarderait dans l’ornière.

Mais plus le Conseil de la Commune se dérobe, plus les hommes d’action le pressent. Il essaie en vain de les apaiser en rééditant des mesures révolutionnaires vagues et dilatoires, qui ne répondent pas aux nécessités immédiates de la crise. Qu’importe qu’il arrête que le lendemain « dans le jour,