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une vague inquiétude pénétrait en eux. Sortir, c’était se désigner. Déjà, Chabot demandait l’appel nominal pour dresser la liste des absents. Et Vergniaud lui-même, lorsqu’il avait fait jurer à tous les députés de mourir à leur poste, n’avait-il pas fourni d’avance un prétexte héroïque à l’immobile prudence de ceux qui, maintenant, se refusaient à le suivre ?

C’est donc devant une assemblée agitée, mais à peu près entière que Robespierre prenait acte des propositions de Lhuillier et signifiait à son tour qu’il fallait aller jusqu’au bout. Non, la cassation de la Commission des Douze ne suffit pas : il faut frapper les conspirateurs. Non, la transaction offerte par le Comité de salut public, qui brise la Commission des Douze, mais qui, en remettant à la Convention la réquisition de la force armée, réduit à l’impuissance les autorités constituées, le pouvoir révolutionnaire de Paris, n’est pas acceptable. Par quelle fausse impartialité prétend-on désarmer à la fois ceux qui trahissent la Révolution et ceux qui la sauvent ?

Robespierre allait ainsi bien au delà de Danton qui, sans doute, n’était pas étranger à la combinaison d’équilibre proposée par Barère au nom du Comité.

« Citoyens, ne perdons pas ce jour en vaines clameurs et en mesures insignifiantes. Ce jour est peut-être le dernier où le patriotisme combattra la Gironde. Que les fidèles représentants du peuple se réunissent pour assurer son bonheur. »

À ce moment, Vergniaud rentrait, isolé, meurtri, après une tentative d’appel au peuple qu’il n’avait même pu ébaucher et que le désaveu de ses amis rendait presque ridicule. Robespierre, dédaigneusement, triompha du désastre :

« Je n’occuperai point l’Assemblée de la fuite ou du retour de ceux qui ont déserté ses séances. »

C’était comme un coup de couteau au cœur du vaincu.

« Je vous ai déjà dit que ce n’était pas par des mesures insignifiantes qu’on sauvait la patrie. Votre Comité de salut public vous a fait plusieurs propositions. Il en est une que j’adopte : c’est celle de la suppression de la Commission des Douze.

« Mais croyez-vous que cette mesure ait assez d’importance pour contenter les amis inquiets de la patrie ? Non, déjà cette Commission a été supprimée, et le cours des trahisons n’a pas été interrompu, car le lendemain on a osé faire rapporter ce décret salutaire, et l’oppression a pesé sur la tête des patriotes. Supprimez donc cette Commission, mais prenez des mesures vigoureuses contre les membres qui la composent ; et, à cet égard, les pétitionnaires qui viennent d’être entendus vous ont indiqué la marche que vous devez suivre.

« Quant à la force armée qu’on propose de mettre à la disposition de