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tances ; et enfin, qu’il est mû de l’amour le plus sincère et le plus fraternel avec les autres départements.

« Vous nous ; vengerez donc d’Isnard et de Roland, et de tous ces hommes impies contre lesquels l’opinion publique s’élève d’un façon éclatante.

« Législateurs, donnez, ce grand exemple, rendez-vous aux vœux d’une nation généreuse qui vous honore de son estime ; vous ramènerez le calme, vous éteindrez le feu de la guerre civile ; et par l’union sainte de tous les citoyens, nous triompherons bientôt de cette horde de tyrans qui nous assiègent. Alors la Constitution marchera d’un pas rapide ; vous ferez le bonheur d’un peuple magnanime et généreux qui, dans les accès fréquents de sa loyauté, confondant le bienfaiteur et le bienfait, portera vos noms chéris à l’immortalité (Applaudissements vifs et prolongés). »

Lhuillier rendait un service immense à la Montagne : il lui restituait Paris. Depuis le matin, la langueur du mouvement, l’incertitude des sections, la manœuvre habile de Vergniaud semblaient avoir rendu la capitale à la Gironde. Voici que le Paris révolutionnaire reparaissait, affirmant ses griefs et les griefs de la patrie contre la Gironde, confondant en un même ressentiment l’injure qui lui avait été faite et l’intrigue contre la liberté. Lhuillier abusait-il un peu lourdement des déclamations d’Isnard ? C’est possible, et les Girondins ne voulaient certes pas éteindre le magnifique foyer du génie de la France. Mais la Révolution était en plein combat, et elle retournait leurs imprudences contre ces rhétoriciens fougueux dont l’éloquence paralysait la patrie.

Pourquoi donc Michelet marque-t-il à Lhuillier une méprisante colère ?

« Pour sauver les sciences et les arts, il fallait mettre en accusation Vergniaud, Isnard, les Girondins, champions du royalisme et fauteurs de la Vendée !

« Le cordonnier-homme de loi, à l’appui de son aigre plaidoirie pour la civilisation, laissait voir à ses côtés une masse de sauvages armés de bâtons de piques. »

Mais par quelle contradiction Michelet qui dénonce lui-même le crime de la Gironde, « le crime d’avoir disputé trois mois en présence de l’ennemi », Michelet qui ose à peine sonder des yeux le profond néant « où elle laissait le pays », Michelet qui l’accuse « de n’avoir rien fait elle-même et rien laissé faire », Est-il si sévère à ceux qui, le 31 mai, firent un grand et courageux effort pour en libérer la Révolution ? et si Lhuillier était entouré de sectionnaires armés pénétrant avec lui à la Convention, par quelle délicatesse imprévue lui en faire grief ?

Vouloir la Révolution et ne pas vouloir les moyens de la Révolution, c’est tomber dans l’impuissance girondine au moment même où on la dénonce, c’est supprimer toute action et frapper d’impuissance toute volonté. Aussi bien « les sauvages armés de piques » avaient-ils plus de tenue que Michelet ne l’imagine : ils ne violentèrent pas la Convention, ils ne l’outragèrent pas. Ils