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Voilà le mot d’ordre clair, précis et vigoureux : l’anéantissement des Douze. Mais on dirait que Marat compte encore plus, pour écraser la Commission, sur une sorte d’éruption volcanique de la Montagne, sur l’irrésistible colère des patriotes de la Convention que sur un mouvement extérieur du peuple. Simon fait appel, à son tour, à des sanctions sanglantes mais légales. C’est évidemment sur le tribunal révolutionnaire qu’il compte pour débarrasser la Convention et le pays de la Gironde. Mais il mêle parfois à cette Terreur légale la vision des grands mouvements populaires :

« Il se passe actuellement, en France, le même système de contre-révolution qui a été pratiqué avant la chute du tyran… Les hommes d’État ne veulent pas faire la révolution de la royauté ; mais ils veulent faire une Constitution aristocratique. Ils ont dit aux généraux et aux fonctionnaires publics : vous pouvez trahir la patrie, vous êtes sûrs de trouver un parti à la Convention. Mais que le passé leur serve de leçon. On a noyé les aristocrates dans leur sang, et s’il faut noyer les intrigants dans leur sang, on en répandra davantage. (Applaudi.)

« Il faudrait qu’on pût voir dans une carte ou dans un tableau les ennemis cernant toutes nos frontières, et si l’on réfléchit que dans ce moment les hommes d’État veulent diviser et enchaîner les patriotes…

« Les intrigants ne seront pas immolés. Ils périront, leur compte est clair, mais ce sera l’entassement de leurs crimes qui les fera périr (dans un jugement du tribunal révolutionnaire).

« … Il faut que le peuple soit juste et observateur de la loi, jusqu’à ce que l’arbitraire et la journée du 10 août soient venus. »

Dans la pensée jacobine, le glaive de la Révolution promène sur la tête de la Gironde une menace équivoque. Ces têtes tomberont ; mais est-ce « sous le glaive des lois » ? est-ce sous le glaive du peuple soulevé ?

À cet égard, le discours de Robespierre est d’une ambiguïté savante. Je le reconstitue en combinant certaines parties du texte donné par M. Aulard, et d’autres très importantes données par l’Histoire parlementaire. À défaut de texte authentique et officiel, c’est la méthode la plus sûre, celle qui permet de recueillir avec le plus haut degré de vraisemblance toute la pensée de l’orateur.

Longuement, et comme pour appliquer une fois encore la tactique de destruction morale de la Gironde, qu’il conseille depuis deux mois, Robespierre s’emploie à déconsidérer Vergniaud. C’est la lettre alarmée de celui-ci aux Bordelais qui fournit à Robespierre son thème :

« Je demande que l’attention publique se porte sur cette lettre qui nous donne le secret des trames criminelles de nos ennemis. Il faut rappeler au peuple que Vergniaud est le même homme qui, par Thierry et Roze, offrait au roi de le maintenir sur le trône, s’il voulait rappeler auprès de lui les trois