tément les honneurs de l’apothéose pour un crapuleux qui se blesse en tombant sur son fumier. »
C’est d’une violence et d’une grossièreté inouïes. Certes, si les républicains nantais avaient été tous pénétrés de cette haine contre la Montagne et contre Paris, comment auraient-ils pu résister aux Vendéens ? À en croire ce manifeste, ce n’est pas contre l’Ouest, c’est contre Paris qu’ils veulent marcher. Mais ce manifeste même ne fait-il point les affaires des insurgés de l’Ouest ? Ne suffirait-il point de le répandre pour justifier et étendre l’insurrection ? S’il est vrai que la Révolution a été confisquée par des scélérats, des assassins, des voleurs, des crapuleux, dégouttants de sang et de fumier, il faut balayer la Révolution pour balayer cette ordure.
Aussi les révolutionnaires clairvoyants et fermes s’indignaient-ils partout contre ce factum. La municipalité de Bordeaux l’ayant fait réimprimer, il y eut jusque dans le département de la Gironde un mouvement de dégoût. Garrau le constate dans une lettre d’Agen du 16 mai :
« Il en a été de même de la pétition des Nantais dont la municipalité de Bordeaux a ordonné très sagement la réimpression. On n’a pu voir sans indignation cette phrase, dégoûtante (et il cite la phrase sur Léonard Bourdon). Il semble, citoyens nos collègues, que celui qui a rédigé cette pétition de la Commune de Nantes est le même qui, l’année dernière, après la journée du 20 juin, rédigea cette fameuse adresse de la même ville en faveur du roi ; même style, mêmes déclamations contre Paris, contre la Montagne ; mêmes menaces. Les royalistes d’alors seraient-ils les républicains d’aujourd’hui ? »
Ce qui est grave, ce qui montre bien qu’il était temps d’en finir avec la Gironde, c’est que même des hommes comme Mercier du Rocher, démocrates véhéments et qui avaient marqué jusque-là peu de sympathie aux hésitations girondines, commençaient à s’abandonner à leur tour à l’esprit de dénigrement et de critique. À cette heure décisive et tragique, qu’importaient les fautes de détail de la Révolution ? Qu’importaient les choix hasardeux faits par le nouveau ministre de la guerre, Bouchotte ? Il y avait à coup sûr des éléments troubles dans le flot révolutionnaire que Paris poussait vers l’Ouest ; mais avait-on le temps d’étudier les hommes et d’épurer tous les choix ?
C’étaient des hommes nouveaux, souvent généreux et sincères, quelquefois tarés, qui surgissaient. C’était l’ancien soldat et ouvrier orfèvre Rossignol, un des « vainqueurs de la Bastille », brave homme et assez modeste, mais peu préparé à des commandements difficiles, et qui débutait en Vendée comme lieutenant-colonel. C’était Momoro, nommé « commissaire du pouvoir exécutif en Vendée », et qui revenait investi de la puissance révolutionnaire dans cet Ouest où ses prédications agraires avaient, quelques mois auparavant, jeté l’épouvante. C’était le dramaturge Ronsin, qui avait fait jouer en 1791, sur le théâtre Molière, rue Saint-Martin, une pièce assez correcte et