La postérité ne voudra jamais le croire.
« Parisiens, sortez enfin de votre léthargie, et faites rentrer ces insectes vénéneux dans leur repaire. »
Cabet a marqué en traits un peu lourds le sens social de la politique girondine dans la rapide esquisse qu’il a tracée de ce temps de crise :
« Le peuple, chez lequel aucune considération de dangers personnels ne vient paralyser l’instinct belliqueux et la fierté nationale, veut, avant tout, repousser l’étranger.
« Les bourgeois redoutent l’ascendant populaire et craignent pour leur fortune.
« Les marchands, continuellement circonvenus par les royalistes qui les menacent de leur retirer leur clientèle, et qui ne négligent rien pour les effrayer par la crainte du trouble et du pillage, les marchands, dont la fortune est exposée à plus de chances encore, montrent peu d’ardeur et beaucoup d’hésitation.
« …Les Girondins, occupant la droite de l’Assemblée, doctrinaires et juste-milieu de cette époque, hommes de parole et de négociation, éloquents mais présomptueux, ayant l’ambition de mener et gouverner, s’appuient sur les bourgeois, sur les marchands. »
Doctrinaires, juste milieu, cela n’est qu’à peu près vrai. C’est surtout la nécessité politique qui conduisait la Gironde à chercher dans les « classes moyennes » un point d’appui contre les forces d’action et de révolution qui la débordaient. Mais c’était un dangereux appel que celui qui était adressé par elle aux riches bourgeois, aux marchands apeurés, car dans ce mouvement de conservation et de réaction sociale les éléments royalistes allaient s’unir aux éléments girondins, et si, à Paris comme à Lyon, les modérés l’avaient emporté dans les sections, Paris aurait été livré bientôt à toute la contre-révolution. Danton demandait aux pétitionnaires lyonnais : « Êtes-vous sûrs que vos illustres négociants sont devenus patriotes ? » À la même question, les grands négociants et les bourgeois timorés de Paris n’auraient pu répondre que par l’équivoque. C’est donc le sort du monde nouveau qui se jouait à cette heure dans les sections parisiennes, où les forces du modérantisme et du royalisme inavoué affluaient pour neutraliser les forces populaires et révolutionnaires.
Le journal de Prud’homme, les Révolutions de Paris, ambigu à son ordinaire, pédantesque et blafard, essaie de dissimuler d’abord ce profond conflit politique et social des deux classes, puis, quand il est obligé de l’avouer, il le noie en quelque sorte sous un flot de sentences et de doctorales admonestations ; et, sous une apparence de fausse impartialité qui lui permet de ménager l’avenir, il tente de discréditer la force de la Révolution. Il faut que la lutte du peuple et de la bourgeoisie, se disputant la direction du mouvement révolutionnaire, ait été bien aiguë alors, pour qu’on en sente encore