Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

petites villes au grand cœur s’obstinèrent dans la résistance. Les patriotes sablais surtout, en gardant à la Révolution le port de l’Ouest vendéen, rendirent un service immense. Et la lutte de ce que M. Ghassin a si bien nommé « la Vendée patriote », le sang-froid de ces groupes comme perdus en un pays hostile étaient d’autant plus héroïques que, tout d’abord, il ne fut pas aisé aux révolutionnaires vendéens de faire comprendre à Paris, à la Convention, l’étendue du péril.

L’Assemblée sut, par le directeur des postes, le 17 mars, que les courriers de Nantes étaient interceptés. Elle apprit aussi que la révolte avait éclaté aux environs de Redon. Elle porta le 19 une loi terrible, qui condamnait à mort tous ceux qui seraient « prévenus d’avoir pris part aux révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires qui éclataient ou éclateraient à propos du recrutement, tous ceux qui auraient pris ou garderaient la cocarde blanche ». S’ils étaient pris ou arrêtés les armes à la main, ils devaient être dans les vingt-quatre heures livrés à l’exécution des jugements criminels. Un procès-verbal de deux signatures suffisait à rendre le fait constant : la confiscation des biens suivait la peine de mort.

Toute la Convention vota cette loi. Même c’est Lanjuinais qui y fit introduire les dispositions les plus terribles. C’est lui qui avait demandé que la peine de mort frappât ceux qui « porteraient la cocarde blanche ». Et Marat s’était révolté contre cet excès :

« La mesure proposée par Lanjuinais est la plus insensée, la plus indigne d’un être pensant et bien intentionné pour la République. Elle ne tend à rien moins qu’à faire égorger les vrais patriotes. Ce ne sont pas les hommes égarés contre lesquels il faut sévir, ce sont les chefs. »

Lanjuinais était un homme intrépide et d’esprit inflexible. Il ne faisait pas corps avec les Girondins : il n’aimait ni leur inconsistance un peu bruyante ni leur « impiété », il était janséniste et chrétien fervent. Il avait le sens de la liberté et de la loi, mais son esprit étroit ne comprenait pas les grands mouvements populaires, les nécessités de la Révolution, et toujours, pour combattre l’anarchie et la démagogie, il s’opposait aux actes de vigueur nécessaires. Cette fois, s’il fut terrible, c’est parce que les insurgés de l’Ouest outrageaient la loi, et que Lanjuinais voulait défendre la loi contre tous. J’observe cependant que dans l’opuscule qu’il a écrit pour sa défense en 1793, et qui a été publié par son petit-fils, sous le titre : Examen de la conduite de Lanjuinais, député proscrit, il néglige une occasion très naturelle de rappeler sa motion.

« Camille Desmoulins, écrit-il, dans une adresse du 7 juin dernier, au nom des Jacobins de Paris, m’a accusé d’avoir été le pape de la Vendée. Je n’examinerai point si c’est une faute ou un crime… Je ne lui dirai point qu’il est le pape des calomniateurs ; je laisse là les figures dont il fait un si ridicule emploi. J’affirme simplement que je n’ai jamais eu aucune sorte de rela-