Le soir, aux Jacobins, Varlet, comme un étourneau, voulut reproduire l’appel à l’insurrection qu’il avait lu le 10 aux Cordeliers. Il semblait ne pas se rendre compte de la coalition de la Montagne et de la Commune contre lui. Il fut soutenu d’abord par une partie des tribunes. Mais l’immense majorité des Jacobins le hua : « Nous ne sommes pas ici aux Cordeliers », et il dut descendre de la tribune. Billaud-Varennes y vint protester contre les exagérés et les intrigants. « Marat, dit-il, est un feuillant à côté de Fournier l’Américain. » et lui aussi insista sur l’imprudence qu’il y aurait à frapper Dumouriez. Ah ! quel beau rôle aurait pu alors jouer la Gironde ! Comme il lui était facile de se relever, de reconquérir autorité et prestige, et de sauver la Révolution en s’associant largement sans arrière pensée et sans chicane aux mesures de salut public décrétées alors par la Convention ! Elle portait en ce moment un poids très lourd. Ses efforts pour sauver la vie du roi étaient restés sur elle comme un fardeau, et la motion de Gensonné, demandant des poursuites contre les massacreurs de septembre, avait tourné de façon tout à fait imprévue contre les Girondins. À peine commencée, l’enquête avait révélé en effet que beaucoup de ceux qui étaient désignés comme des massacreurs étaient maintenant, où ? aux armées où ils combattaient pour la patrie. Ce n’étaient donc pas des brigands, de féroces malfaiteurs : c’étaient des exaltés qui après avoir tué donnaient leur propre vie à la Révolution. Il fallut limiter les poursuites aux « instigateurs des massacres ». Mais c’étaient les Girondins qui apparaissaient comme des furieux, et leur discrédit allait croissant. Oui, il n’était que temps pour eux de rentrer, pour ainsi dire, dans la Révolution. Ils le pouvaient à l’heure où les chefs de la Montagne faisaient acte de clairvoyance, de courage et de sagesse. Mais la Gironde laisse échapper cette occasion suprême. Elle continue sa politique insensée de défiance vaine, de vaines polémiques et de chicane. Au moment où Marat, Robespierre, Danton s’entendaient pour couvrir Dumouriez, il était de son intérêt de prendre acte de ces sages paroles :
« Oui, vous avez raison ; oui, vous faites une bonne et grande chose en sacrifiant au salut de la patrie vos préventions contre un homme que vous avez souvent attaqué et soupçonné. Vous reconnaissez donc que, devant les pressantes nécessités de l’action, il faut prendre des responsabilités redoutables et paraître solidaires d’actes que l’on ne peut diriger, et d’hommes dont on n’a pas toujours le secret. C’est ce que nous, qui formions la majorité au moins à la Législative, nous avons dû accepter. Maintenant que votre pouvoir grandit, vous subissez à votre tour cette loi. Cessons donc de nous suspecter, de nous dénoncer les uns les autres, et si un jour un des généraux auxquels nous conservons encore notre confiance vient à nous trahir, frappons-le tous ensemble, mais ne nous déchirons pas, ne déchirons pas la Révolution. »
Au contraire, le Patriote français se scandalise des avances faites à Dumouriez par Danton, Robespierre et Marat. Quoi ! ces massacreurs, ces