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la bête sanglante ! et notez qu’il avertit dans une note que « ce n’est pas aux patriotes de la Montagne, mais à ceux du reste de la Convention » qu’il s’adresse. De ceux de la Montagne il ne doute pas, il sait qu’ils l’ont soutenu dans cette crise. Mais il espérait que l’esprit de la Montagne s’était répandu au delà, dans l’ensemble de la Convention, et il a une déception. De nouveau, il se livre à un accès de pessimisme, d’orgueil amer et de colère.

« Je le répète, l’atteinte portée, à mon sujet, à la liberté de la presse est alarmante. Quant à moi, je saurai bien m’élever au-dessus ; je ne suis point comme vous né d’hier à la liberté, j’en ai sucé l’amour avec le lait de ma nourrice, et j’étais libre depuis quarante ans que la France n’était encore peuplée que d’esclaves. Ma plume n’eut jamais d’autre frein que celui de la vérité ; en dépit de tous les décrets du monde, elle n’en connaîtra jamais d’autre, quand je devrais aujourd’hui rentrer dans mon souterrain : je vais donc en user au jour avec vous dans toute sa plénitude.

« Vous voyez tout en beau, je vois tout en noir, qui de vous ou de moi a raison ? Considérez l’état actuel de la France, la profonde misère où le peuple languit, les dilapidations énormes de la fortune publique, l’épuisement rapide de ses dernières ressources, l’oppression des amis de la liberté, l’insolence de ses ennemis, les machinations éternelles des meneurs qui occupent toutes les places d’autorité et qui dominent jusqu’au sein du Sénat national, les troubles qui agitent la République, les accaparements, les vols, les brigandages, les massacres, les désordres de toute espèce qui la désolent, les désastres qui la menacent au dedans, les dangers qui la menacent au dehors, et puis prononcez, si vous en avez le courage. »

Marat oublie un moment que lui aussi, il y a quelques semaines seulement, il avait « vu les choses en beau ». Mais en tout cas, même quand il a une rechute de désespoir, s’il entrevoit le salut et le remède, c’est dans l’action régulière et accrue de la vigoureuse Montagne, ce n’est pas dans l’agitation des Enragés qui, en discréditant la Montagne, compromettent la seule chance qui reste à la Révolution. Et bien loin de se laisser entraîner par le dépit à bouder à la Convention, Marat, qui au fond se rend bien compte que son malencontreux article du 25 a servi la cause de ses ennemis et des ennemis de la Montagne, va essayer d’en atténuer l’effet en se montrant, dans la crise de Belgique, un homme d’ordre, un homme de gouvernement.

Aussi bien, il ne reprochait pas seulement aux Enragés leur défiance à l’égard de toute la Convention, leur tendance hostile à la Montagne elle-même et à la députation de Paris. Sur le fond du problème économique, il était radicalement séparé d’eux. Eux, ils ne voulaient ni abandonner l’assignat ni le restreindre. Ils proposaient au contraire de lui donner une sorte de royauté sociale en le débarrassant de la concurrence de l’or et de l’argent, et en lui soumettant en gage toutes les propriétés foncières. C’est par là qu’ils espéraient rétablir l’équilibre entre l’assignat révolutionnaire et les denrées. Au