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bout, couvrait la Gironde. Car comment accuser les Girondins de trahison, quand on laissait à la tête de l’armée un homme qu’ils avaient choisi ?

Ainsi, ni l’optimisme frivole et intéressé de la Gironde, ni la violence forcenée et prématurée des Enragés, du groupe Varlet, des Cordeliers ne répondaient au large mouvement de la conscience révolutionnaire. Le peuple se levait d’un élan héroïque pour refouler l’étranger qui semblait menacer de nouveau, pour secourir les patriotes de Belgique, victimes de leur dévouement à la liberté. Il savait bien qu’il y avait à la Convention des hommes agités et débiles qui n’avaient pas voté la mort du roi, qui fatiguaient la nation de leurs chicanes et de leurs déclamations. Mais entamer la Convention, c’eût été entamer la patrie elle-même, c’eût été faire brèche dans la puissance nationale, dont il voulait précisément maintenir l’intégrité. Tous ceux qui s’enrôlaient et prenaient le fusil laissaient à la Convention le soin de démasquer elle-même et de réduire à l’impuissance les intrigants. Eux, ils voulaient combattre, et sur cette terre de Belgique vers laquelle ils se hâtaient brillait encore la gloire de Jemmapes. Ils n’avaient pas réussi encore, malgré les premiers soupçons et les premiers doutes, à arracher de leur cœur le nom de Dumouriez, qui s’y confondait avec les premières victoires de la liberté.

Robespierre, Danton, Marat, Chaumette, Hébert, toute la Montagne et toute la Commune de Paris, formaient à ce moment, entre la Gironde et les Enragés, le vrai centre ardent et agissant de la Révolution. À coup sûr, si on regarde de près, on démêle dans la pensée de tous bien des nuances, bien des différences secrètes. Mais ils sont unis pour montrer au peuple tout le péril que la Gironde lui cache, pour écarter les moyens violents que les Enragés proposent, et pour faire crédit à Dumouriez.

Robespierre, à son habitude, fait la part du soupçon. Il y a des traîtres : ce sont les généraux Lanoue, Stengel qui, par négligence sans doute volontaire, ont permis à l’ennemi de surprendre nos postes sur la Ruhr. Ces traîtres, il faudra les frapper. Il faudra purger l’armée du venin aristocratique. Mais, le premier, en homme qui a le sentiment profond des responsabilités, il s’applique, dans la séance du 8 mars, à prévenir la panique. La Révolution a traversé des périls bien plus graves. Qu’est la crise d’aujourd’hui auprès de celle du Dix-Août ? Sur Dumouriez, on dirait qu’il hésite. Il ne veut pas s’engager avec lui, mais par cela seul qu’il ne le charge pas, il le couvre. Avec sa prudence et sa profondeur de calcul accoutumées, il se ménageait des issues en tout sens ; il faisait allusion aux griefs que la Révolution croyait avoir contre Dumouriez, accusé par plusieurs de n’avoir pas poussé assez vigoureusement les Prussiens après Valmy, mais il n’insistait pas, et il paraissait attribuer les facilités de fuite qui furent laissées à l’ennemi à l’heureuse fortune de celui-ci, non à la trahison du général.

Le plus célèbre des généraux du despotisme, celui dont le nom seul semblait un signal de destruction, a fui devant un général à peine connu