étouffer dans son berceau ; elle est toute en faveur du riche contre le pauvre, elle n’a pas étonné les patriotes, ils s’y attendaient.
« Que les mêmes coups exterminent les ennemis du dehors et les ennemis du dedans. Chargez-vous des premiers, nous nous chargeons des autres. Aux armes ! aux armes ! »
C’était le tocsin de mort contre la Gironde, à un moment où Robespierre et Marat ne voulaient ni frapper à mort ni même rejeter violemment de la Convention les Girondins. Les exterminer ? C’est une hypothèse qu’à cette date Robespierre n’examinait même pas. Leur retirer leur mandat et convoquer les assemblées primaires pour leur nommer des remplaçants ? C’était entamer la Convention et c’était se remettre au hasard d’élections nouvelles, dont l’issue était incertaine. C’est ce que Robespierre disait dès lors, avec insistance, aux Jacobins. Son plan était de noyer lentement la Gironde dans une sorte de discrédit définitif, de lui enlever peu à peu tout ce qui lui restait de popularité, de l’éliminer des Comités, et de la réduire à un état « de nullité politique », sans illégalité et sans violence.
Mais voici que de Belgique éclatent des nouvelles redoutables. Dumouriez avait quitté Paris le 26 janvier, pour rejoindre son armée. Il dit dans ses Mémoires qu’il était parti « le désespoir dans l’âme ». « Il n’avait pu empêcher un crime inutile, honteux et funeste ; il n’avait réussi ni à faire annuler le décret du 15 décembre, ou au moins à en faire excepter les Pays-Bas pour sauver l’armée française en cas de retraite, ni à faire établir une bonne administration pour les fournitures de l’armée, ni à obtenir les réparations, les remontes pour la cavalerie, les recrues et tout ce qui lui manquait pour se mettre en campagne, ni, ce qui l’affligeait le plus, ce qui le rendait honteux d’être Français, à sauver un roi dont il connaissait l’innocence et la bonté, l’ayant vu de très près pendant trois mois. Il allait se remettre à la tête d’une armée désorganisée, livrée à l’indiscipline et à la maraude, et commettant tous les excès dans les quartiers d’hiver, mal armés, sans habits, dispersés dans des villages ruinés, où elle manquait de tout, le long de la Meuse et de la Ruhr. »
Dumouriez, pour atténuer son échec prochain, exagère le délabrement de l’armée qui avait, il est vrai, beaucoup souffert. Et, pour faire sa cour à la contre-révolution, il exagère « son désespoir ». Il n’était point dans la nature de Dumouriez de désespérer si vite. La vérité est qu’il avait constaté à Paris qu’il n’était assuré d’aucun parti, et qu’il ne pourrait manier à son gré, comme il s’en était flatté d’abord, la force révolutionnaire. Le monstre ne se laissait pas apprivoiser aisément aux caresses de l’aventurier diplomate et soldat.
Dumouriez ne se dit pas à lui-même, une minute, qu’il devait, même au péril de sa propre vie, être le serviteur de la Révolution et de la patrie. Dût-il être méconnu, dût-il être dévoré, il n’avait qu’un devoir : regarder