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de lui qu’il avait « toutes les vanités, même celle de la modération », n’a pas assez vu ce qu’il y avait de lié et de conséquent dans sa conduite.

Au demeurant, Marat se trompait plus qu’à moitié sur le sens de ce mouvement révolutionnaire à tendance sociale, qui semblait vouloir déborder tous les partis constitués de la Révolution. Il se peut en effet que les royalistes, les contre-révolutionnaires aient songé à l’exploiter. Après la mort du roi, il leur semble sans doute que toutes les armes étaient bonnes contre la Révolution : qui sait s’ils ne réussiraient point à la perdre en « l’exagérant », en inquiétant le commerce et la propriété ? Qui sait si le peuple dont ces convulsions aggraveraient la famine, ne regretterait pas le temps des rois ? Il y a dans le texte de la pétition lue par les délégués une phrase ambiguë et imprudente où l’esprit soupçonneux pourrait retrouver je ne sais quel accent des conspirateurs royalistes mêlés, dans les quartiers populaires, aux groupes des mécontents. « On nous a dit qu’une bonne loi sur les subsistances est impossible. C’est donc à dire qu’il est impossible de régir les États quand les tyrans sont abattus. » Elle peut avoir un sens très révolutionnaire et très républicain. Elle peut signifier et elle signifie sans doute que si la Convention renonçait à réglementer ce commerce des grains que réglementaient les rois, elle fournirait un argument contre la liberté et pour les tyrans. Elle peut être aussi le reflet un peu trouble de la propagande royaliste. Mais, dans l’ensemble, et quelle que fût l’intrigue des tenants de l’ancien régime, c’était bien un mouvement populaire et révolutionnaire.

Il tenait à deux causes. D’abord il y avait en effet dans le peuple, sinon souffrance, au moins malaise et inquiétude : il se croyait toujours menacé d’un renchérissement des denrées plus grave que celui dont il pâtissait déjà. Je sais bien que Paris semblait préservé de la cherté du pain Il était taxé, et il ne devait pas se vendre plus de trois sous la livre. La Convention avait déjà, le 7 février, autorisé la Commune à lever un impôt de quatre millions pour faire face aux pertes résultant de ce bas prix. Et même Masuyer déclara que c’étaient les riches qui, pour se soustraire à l’impôt progressif établi à cet effet, avaient machiné ce mouvement. Dans une taxation générale du blé, applicable à toute la France, les mesures particulières à Paris disparaîtraient en effet. Et c’est sans doute ce que voulait dire Barére quand il reprocha aux délégués d’être venus « présenter la pétition des riches avec la livrée des pauvres ». Mais, en fait, il y avait pour le peuple une incertitude énervante.

La question des subsistances était sans cesse à l’ordre du jour et l’on craignait que, même avec l’impôt, on ne pût maintenir le pain à trois sous Dans la séance de la Commune du 4 février « le Conseil nomme quatre commissaires pour s’adjoindre aux administrateurs des subsistances, à l’effet d’accélérer le rapport sur l’approvisionnement de Paris. Il a ordonné l’exécution d’un précédent arrêté, portant que les boulangers seront tenus de mettre