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mandants dans les sections se rendront dans le jour à la barre de l’Assemblée pour y prêter individuellement le serment de maintenir de tout leur pouvoir la liberté, l’égalité, la sûreté des personnes et des propriétés, et de mourir, s’il le faut, pour l’exécution de la loi.

« Art. 6. — Les présidents de chaque section feront prêter le même serment aux membres de leur arrondissement.

« Art. 7. — Dans toute la France les autorités constituées prêteront le même serment et le feront prêter par les citoyens.

« Art. 8. — Le présent décret sera proclamé solennellement et porté dans chacune des quarante-huit sections de Paris par un commissaire de l’Assemblée nationale. »

Les quarante-huit commissaires furent immédiatement nommés. Je relève sur la liste le nom des principaux Girondins : Guadet, Brissot, Gensonné, Ducos, Lasource, Vergniaud, et aussi le nom de Montagnards comme Cambon, Thuriot, Romme ; d’amis de Danton comme Basire et Chabot.

Louis Blanc trouve que le décret de l’Assemblée est incertain et vague. Il me semble surtout qu’il est tardif. C’est la veille, c’est dès la première nouvelle des massacres que l’Assemblée aurait dû plus énergiquement défendre l’honneur de la Révolution. Mais Louis Blanc oublie que l’Assemblée n’avait pas en mains des moyens sûrs d’exécution. Elle ne pouvait d’ailleurs employer la violence contre le peuple révolutionnaire. Louis Blanc s’étonne qu’elle n’ait pas interdit plus expressément les massacres de prisonniers, et qu’elle ne parle qu’au conditionnel des attentats contre la sûreté des personnes. À désigner trop clairement les meurtres de la veille, l’Assemblée s’obligeait à poursuivre les meurtriers, et elle ne le pouvait pas sans soulever Paris, sans créer au profit de l’envahisseur une diversion formidable. Il paraît bien qu’en cette journée du 3 septembre elle fit tout son devoir. Il fallait arrêter les massacres ; mais il ne fallait pas rendre une amnistie impossible.

Le lendemain 4 septembre, l’Assemblée manifesta de nouveau avec force sa volonté de ne pas céder à la Commune et à Marat. L’âme généreuse et tendre de Vergniaud avait été comme flétrie par cette crise. Les vifs reproches adressés par le peuple à la Commission des Douze qu’il présidait lui étaient très sensibles. Elle avait hésité avant le Dix Août, elle avait hésité encore à organiser la répression ; et le peuple s’en prenait à elle ; s’il avait fallu se soulever, tuer, n’était-ce point sa faute ? Amère dut être la déception de Vergniaud quand il apprit le massacre, et le réveil des prétentions de la Commune, quelques heures après le discours généreux qui semblait avoir fondu en une seule flamme le patriotisme de la Commune et le patriotisme de l’Assemblée. Il se demanda peut-être si la Commission des Douze, détestée par les éléments les plus ardents du peuple, n’était pas un obstacle à la réconciliation, et d’un accent plus triste qu’amer il offrit à l’Assemblée la