n’est plus glorieux pour la Révolution française que d’avoir ainsi dépassé par sa hardiesse la hardiesse des penseurs et d’avoir porté les esprits, sur l’aile robuste de l’action, au delà même de leur rêve.
En second lieu, quand Godwin ajoute qu’elle a déterminé en lui la volonté d’écrire et de publier ce livre, il convient que c’est d’elle qu’il tient la notion d’un devoir social. Il ne suffit plus au philosophe d’accumuler en silence les idées, il faut qu’il intervienne dans le mouvement de la pensée humaine, et qu’il contribue à former la conscience de tous. Mais cette intervention, c’est surtout, c’est presque exclusivement sous la forme de l’éducation qu’il la conçoit. En France, la Révolution est un combattant qui tranche les difficultés avec le glaive ; pour Godwin, le progrès est un éducateur qui dénoue peu à peu les liens des esprits et prépare ainsi, doucement, l’évolution des institutions elles-mêmes.
Ce n’est point par prudence, ce n’est point par ménagement pour la réaction anglaise menaçante, c’est par respect pour la force souveraine de l’éducation que Godwin s’oppose à l’action soudaine et violente ; il répugne aux méthodes de révolution. L’essentiel est de délier les esprits de l’aveugle soumission à l’autorité, de la déférence servile. « Le respect pour les supérieurs, quand ils ne sont supérieurs qu’en rang et en puissance, est ce qu’il y a de plus contraire à la raison. » Même le respect pour ceux qui sont supérieurs en sagesse et en science n’est raisonnable que dans de certaines limites.
Oui, quand il s’agit de fonctions spéciales exigeant un savoir spécial, comme la construction d’une maison ou l’éducation des enfants, il est sage à moi de m’en remettre à ceux qui ont une particulière compétence. Mais quand il s’agit de ces choses de justice politique qui tombent sous le sens commun de l’humanité, c’est un crime à moi de ne pas exercer mes facultés propres. Et quand tous les esprits seront éveillés et actifs, les gouvernements ne pourront durer contre le vouloir secret, mais efficace, des esprits. Ils seront minés, en quelque sorte, dans leurs fondements intellectuels et ils s’affaisseront sans qu’il soit besoin d’employer contre eux la violence, pas plus qu’il n’est nécessaire d’appliquer la pioche à une maison dont la base est ruinée.
« Il est assez connu maintenant que l’empire du gouvernement est fondé sur l’opinion ; et ce n’est pas assez pour lui que nous nous refusions pour notre part à le renverser par la violence, il faut encore que l’opinion nous détermine à lui fournir un appui permanent.
« Aucun gouvernement ne peut subsister dans une nation, si les individus s’abstiennent purement et simplement d’une résistance tumultueuse, mais censurent au fond de leur cœur et méprisent l’institution gouvernementale. »
Aussi le plus pressant devoir est d’organiser en quelque sorte cette grève des esprits, cette retraite des consciences, se refusant à soutenir de leur