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« Il n’y a rien de plus faux que ces allégations ministérielles et royales. Mais comment le cabinet de Saint-James l’entend-il ? Il semble vouloir se faire un mérite de ne s’être point mêlé de nos affaires. En avait-il le droit ? Le pouvait-il ? Et cette neutralité dont il se targue n’est-elle pas plutôt le fait d’une fausse prudence et d’une conduite lâche qui a mal réussi ? »

Toute négociation devient impossible quand les faits sont à ce point dénaturés. La vérité certaine, évidente, c’est que jusqu’à ce moment l’Angleterre avait voulu la paix, et avait évité tout ce qui pouvait la compromettre.

Le journal de Prudhomme traite de haut le ministre Lebrun, qui avait envoyé au ministère anglais une communication de forme modérée :

« Nous sommes fâchés de voir que le ministre Lebrun ne se soit pas placé à la hauteur des principes de la République dont il est un des organes, vis-à-vis du cabinet de Saint-James, qui ose encore aujourd’hui parler et agir ainsi. Nous l’avons déjà dit : depuis que le peuple français a retrouvé les droits de la souveraineté, il ne doit plus entrer en négociations avec aucun cabinet de l’Europe. C’est de peuple à peuple qu’il faut traiter désormais. La République française doit désavouer son ministre des Affaires étrangères toutes les fois qu’il la compromet ainsi, et lui défendre d’entretenir dans les cours voisines des agents accrédités ou non, chargés par lui de solliciter et d’obtenir des audiences particulières de la nature de celles que Lebrun a dit, dans son dernier discours à la Convention, s’être ménagées auprès du ministère anglais. Ce n’est point avec Pitt, ce n’est point avec George, que la République a des intérêts à démêler ou des rapports à établir ; elle ne les connaît pas, puisqu’ils ne sont point chargés des mandats du peuple, elle n’a à traiter qu’avec le peuple anglais légalement représenté et quand il se sera déclaré souverain. »

Ou cela ne signifie rien, ou cela veut dire que la France laissera se créer entre elle et les pays de l’Europe tous les malentendus, et qu’elle subira une guerre indéfinie tant que l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, l’Angleterre, la Russie même, n’auront pas fait une révolution démocratique et républicaine. Je conviens que les tentatives conciliatrices de Fox devaient paraître bien mesquines et bien pauvres à des hommes qui se complaisaient à d’aussi vastes pensées.

Dans le curieux discours, beaucoup plus tempéré, mais étrangement équivoque, que Kersaint fit à la Convention le 1er janvier, il maltraite également Fox :

« J’aperçois, dans les mouvements du gouvernement anglais, trois motifs également distincts, étrangers au peuple anglais : 1o La haine du roi contre les Français et ses craintes pour sa couronne, seul motif de l’intérêt qu’il a manifesté pour Louis XVI ; cet intérêt est fortifié par celui des nobles et des épiscopaux, vos ennemis naturels ; — 2o Les inquiétudes du premier ministre Pitt, maître absolu de l’Angleterre depuis huit ans, et que les orages d’une