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bera. C’est par elle que le droit traditionnel à la liberté de la presse et au jugement par jury sera confirmé et mis hors de toute atteinte. Par là, la démocratie nouvelle est comme la suprême évolution du libéralisme anglais.

Ainsi, dans la pensée de Mackintosh, il sera possible d’introduire en Angleterre les principes de la démocratie et la souveraineté de la nation sans bouleverser la Constitution. À quoi bon des changements violents ?

« La tranquille et légale réforme est l’ultime objet de ceux que M. Burke a si follement flétris. Et, en effet, elle suffira amplement. »

À quoi bon porter atteinte à la royauté ou même à la Chambre des lords ?

« Les pouvoirs du roi et des lords n’ont jamais été formidables en Angleterre que par le désaccord entre la Chambre des communes et ses prétendus constituants. Si la Chambre devenait vraiment l’organe de la voix populaire, les privilèges des autres corps en opposition avec le sentiment du peuple et de ses représentants ne pèseraient pas dans la balance. De cette amélioration fondamentale toutes les réformes secondaires sortiraient naturellement et pacifiquement. Nous ne rêvons pas davantage, et en réclamant cela, bien loin de mériter l’imputation d’être des apôtres de sédition, nous pensons que nous avons le droit d’être considérés comme les plus sincères amis d’un gouvernement tranquille et stable. Nous désirons prévenir la révolution par la réforme, la subversion par la correction. Nous avertissons nos gouvernants de réformer, tant qu’ils ont encore la force de réformer avec dignité et sécurité, et nous les conjurons de ne pas attendre le moment, qui arrivera infailliblement, de mendier auprès du peuple qu’ils oppriment et méprisent la maigre pitance de leurs pouvoirs présents. »

Mackintosh précise, avec un grand sens politique, que la situation des finances anglaises n’est pas ce qu’était en 1789 l’état des finances françaises, et que, dès lors, l’Angleterre pourrait beaucoup plus sûrement régler sa marche dans la voie des réformes.

« Rien ne peut être plus absurde que d’affirmer que tous ceux qui admirent la Révolution française veulent l’imiter. À un point de vue, il y a place pour des opinions diverses parmi les amis de la liberté sur la quantité de démocratie infusée dans le gouvernement de France. À un autre point de vue, et bien plus important, il faut se rappeler que la conduite des nations varie avec les circonstances où elles sont placées. D’aveugles admirateurs des révolutions les prennent pour des modèles inflexibles. C’est ainsi que M. Burke admire celle de 1688 ; mais nous, qui croyons rendre le plus pur hommage aux auteurs de cette Révolution, non pas en nous efforçant de faire ce qu’ils ont fait alors, mais en nous efforçant de faire ce qu’ils feraient maintenant, nous ne voyons aucune contradiction à regarder en France, non pour modeler notre conduite sur celle du peuple français, mais pour fortifier notre esprit