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C’est en défendant la Révolution française que le prolétariat anglais commence à élever la voix.

Dans l’œuvre de Mackintosh aussi, quelque modérée et équilibrée qu’elle soit, il y a un sens social. Elle nous semble aujourd’hui bien optimiste. Mackintosh ne prévoit pas les orages, il ne prévoit pas les terribles commotions que provoquera bientôt la guerre européenne. Après tout, quand il écrivait au commencement de 1791, il n’était point interdit d’espérer un dénouement à la fois pacifique et grandiose du drame de la Révolution, et il n’était pas encore au-dessus des forces humaines d’assurer ce dénouement pacifique. Comment Burke peut-il dire que la Révolution française est un entraînement irréfléchi ? Elle est la conséquence inévitable, et elle est le seul remède du désordre politique et social où la monarchie absolue avait jeté la France. Comment peut-il voir une violation funeste des traditions dans le vote par tête substitué au vote par ordre ? Ces corporations fermées, ces castes entretiennent l’esprit d’égoïsme et de privilège. Comment peut-il se plaindre de l’abolition des titres nobiliaires et des droits féodaux ? Il faut créer des mœurs d’égalité sans lesquelles toute démocratie est impossible. Pourquoi se scandaliser de la nationalisation des biens d’Église ? L’État a le droit de payer ses officiers de religion et de morale selon le mode qui lui plaît. Il consacrait à les payer les revenus variables de certains biens-fonds. Il a le droit, après leur avoir assuré un salaire fixe, de disposer de ces biens-fonds. L’opération des assignats semble téméraire ? Que de sarcasmes et que de sombres prophéties Burke a accumulés sur les assignats, sur la circulation du papier ! Il n’y a plus, il n’y aura plus d’autres ressources que les assignats, hypothétiquement gagés sur les biens d’Église.

« Leur fanatique confiance dans la souveraine efficacité du pillage de l’Église a induit ces philosophes à dédaigner tout souci du revenu public, comme le rêve du philosophe à la pierre philosophale induit les dupes à négliger, sous l’illusion hermétique, les moyens rationnels d’améliorer leur condition. Avec ces financiers philanthropiques, la médecine universelle fabriquée au philtre d’Église devient le remède de tous les maux de l’État. Ces gentlemen n’ont pas sans doute grande foi dans les miracles de la piété ; mais il est incontestable qu’ils ont une foi entière aux prodiges du sacrilège. Y a-t-il une dette qui les presse ? Émettez des assignats. Y a-t-il des indemnités à payer ou des pensions à servir à ceux qu’ils ont dépouillés de leur office ou expulsés de leur profession ? Assignats. Faut-il équiper une flotte ? Assignats. Si soixante millions de livres sterling de ces assignats, imposés au peuple, laissent les besoins de l’État aussi grands que devant : émission de trente millions de livres d’assignats, dit l’un ; non, de quarante millions, dit un autre. La seule différence entre toutes ces factions financières est dans la plus ou moins grande quantité d’assignats qui doit être imposée à la patience du public. Ils sont tous des professeurs d’assignats. Même ceux auxquels leur na-