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qui fut d’autant plus brillante que ses Vindiciae Gallicae ont donné la preuve indéniable que l’on peut écrire avec une éloquence virile sans se permettre un seul mot inconvenant, et s’en tenir à la vérité, à la discussion des raisons pour et contre, et à la question posée, sans tout le vieux jeu de miroir d’une dialectique jésuitique. Inattaquable, irréfutable, son œuvre est debout, honorée de l’approbation unanime de l’Angleterre, et elle brave le front d’airain de ceux qui osent tout affirmer parce qu’ils n’ont plus rien à perdre en fait d’honneur et de considération. Ce n’est point ici le lieu d’insister, et notre public ne s’intéresse point assez à l’analyse des autres réfutations de l’œuvre de Burke ; il suffit de dire que Tatham, Towers, Boutfield, Bather, Rostdoung, Pigott, miss Woolstone, Craft, MM Macaulay, Graham, Hamilton, Capel Loft, Wolsey, sir Brook Boothby, Dupont, et une foule d’écrivains anonymes ont tourné contre lui leurs armes avec plus ou moins de bonheur, mais toujours avec quelque succès. Pour sa justification, il se sentit encore obligé par le cri universel du public à faire une faible tentative, et dans son appel des nouveaux whigs aux anciens whigs, il tenta par des distinctions superfines d’excuser le parti de l’opposition dont il se réclamait d’avoir dévié ainsi des principes des whigs. »

La réprobation fut-elle aussi générale que le dit Forster, passionné dès lors pour la Révolution, et qui se soulageait, dans ses compte-rendus critiques, du silence qu’il se croyait encore tenu à garder en Allemagne sur le fond même des choses ? Il est probable que la véhémence rhétoricienne de Burke choqua un peu, et que ce brusque torysme intransigeant fit quelque scandale. Aussi bien, en cette année 1791, la Révolution semblait avoir atteint une période de calme et un point d’équilibre. Sa force de propagande au dehors ne s’exerçait que discrètement, et la violence de Burke, à l’unisson de laquelle seront bientôt les esprits (dès la fin de 1792), déconcertait un peu en ce moment.

L’éclosion soudaine d’innombrables écrits en réponse à Burke atteste que l’esprit anglais avait ressenti la grandeur de la Révolution. J’ai trouvé à la Bibliothèque nationale plusieurs des œuvres et brochures que mentionne Forster, et aussi plusieurs des écrits anonymes auxquels il fait allusion. Quel utile et curieux travail ce serait de suivre dans toute l’Angleterre, dans ses bibliothèques, ses archives et ses collections privées, dans ses brochures et ses journaux, le reflet mouvant des événements de France sur l’esprit anglais ! Louis Blanc, qui aurait pu sans doute fouiller tous ces trésors, ne commente guère que les paroles les plus illustres. Il faudrait descendre au détail et jusque dans la foule obscure des consciences. Des brochures que j’ai lues à la Bibliothèque nationale je retiens d’abord un pamphlet anonyme qui fut imprimé, sous le titre d’Observations, à Londres, chez Johnson, près de l’église Saint-Paul. C’est le premier cri qui monte du peuple souffrant et meurtri. Ce n’est plus un pamphlet purement politique. C’est un pamphlet