Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/734

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« C’est l’union de la liberté avec la loi qui, en opposant une barrière aussi bien aux empiètements du pouvoir qu’à la violence des commotions populaires, donne à la propriété une juste sécurité, met en action le génie et le travail, procure l’extension et la solidité du crédit, la circulation et l’accroissement du capital, c’est elle qui forme et élève le caractère national et met en mouvement tous les ressorts de la communauté dans toute la diversité de ses éléments.

« La laborieuse industrie de ces grandes classes, si nombreuses et si utiles (qui doivent être aujourd’hui, à un degré particulier, l’objet de la sollicitude de la Chambre), les paysans propriétaires et la bourgeoisie rurale (la peasantry et la yeomanry)  ; l’habileté et l’ingéniosité des ouvriers, les expériences et les perfectionnements des riches propriétaires du sol, les hardies spéculations et les aventures heureuses des marchands opulents et des manufacturiers entreprenants, tout cela provient de la même source. C’est donc sur ce point vital que nous devons surtout veiller : si nous préservons ce premier et essentiel objet, tout le reste est en notre pouvoir. Rappelons-nous que l’amour de la Constitution, quoiqu’il soit une sorte d’instinct national dans le cœur des Anglais, est fortifié par la raison et la réflexion, et confirmé chaque jour par l’expérience, que c’est une Constitution que nous ne devons pas admirer seulement par une révérence traditionnelle, que nous ne devons pas louer seulement par préjugé ou par habitude, mais que nous devons chérir et estimer parce que nous savons qu’elle assure pratiquement la liberté et le bien-être des individus et de la nation, et qu’elle pourvoit, mieux que n’importe quelle autre forme de gouvernement qui ait pu exister, aux fins réelles et utiles qui forment le seul fondement vrai et le seul objet rationnel de toute société politique. »

Voilà ce qui disait William Pitt à la Chambre des communes, aux acclamations de sa majorité, à l’heure même où, dans la Législative, réunie à Paris depuis quelques mois, bouillonnaient les passions encore troubles et les idées encore incertaines. Oui, c’est un jubilé magnifique. Oui, c’est l’hymne triomphal du capitalisme anglais et de la liberté anglaise, du capitalisme illimité et de la liberté limitée. Pitt a merveilleusement caractérisé le mouvement moderne : accroissement de la production, perfectionnement de la technique, développement du machinisme et du crédit, accumulation constante du capital, élargissement des débouchés, conquête extensive et intensive du marché universel.

Le capital, avec sa loi interne de progression continue et irrésistible, prend à ses yeux un caractère presque religieux. Il est la force éternelle et providentielle qui, à travers les désordres, les crises, les défaillances des hommes et des empires, maintient l’ordre progressif de l’univers et sauve du néant l’effort des générations associées par leur épargne immortelle à tout l’avenir humain. Or, ce capitalisme éternel et universel, il semble que, pour