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gleterre, dans la force et le génie de sa bourgeoisie. Il affirme en même temps que son principal objet est d’étendre dans le pays les relations commerciales de la nation anglaise.

« Je crois pouvoir dire tout d’abord (12 février 1787) comme un fait généralement admis, que la France a l’avantage par les dons du sol et du climat, et par l’abondance de ses produits naturels ; qu’au contraire la Grande-Bretagne est incontestablement supérieure par les manufactures et les productions de l’industrie. Incontestablement, au point de vue des produits naturels, la France a grandement l’avantage dans le traité. Ses vins, ses eaux-de-vie, ses huiles et ses vinaigres, particulièrement les deux premiers articles, sont des matières d’une si importante valeur, que toute idée de réciprocité dans l’échange des produits naturels en est anéantie, car nous n’avons rien à opposer en ce genre, rien que ce qui est relatif à la bière. Mais, en revanche, n’est-ce point un fait démontrable et clair que la Grande-Bretagne, de son côté, possède quelques manufactures qui ne sont qu’à elle, et que dans les autres branches de production industrielle, elle a un tel avantage sur ses voisins qu’elle défie toute compétition ? Voilà la situation relative des deux peuples, voilà le fondement précis sur lequel il m’a paru qu’une correspondance équitable et une connexion pouvaient être établies entre eux. Chacun d’eux a sa production propre et distincte. Chacun d’eux a ce dont l’autre manque. Ils ne se heurtent pas dans les grandes lignes directrices de leur richesse respective. Ils sont comme deux grands commerçants dans des branches différentes, qui peuvent trafiquer avec un mutuel bénéfice. Supposé qu’une plus large quantité des produits naturels de la France doive être apportée dans ce pays, quelqu’un peut-il dire que nous, nous n’enverrons pas plus de cotonnades par la voie directe maintenant établie, que nous ne faisions par les circuits et détours auparavant pratiqués ? Ou que nous n’enverrons pas plus de nos laines que lorsque l’importation en était restreinte à certains ports et grevée de droits d’entrée très lourds ? Et l’ensemble de nos manufactures ne va-t-il pas bénéficier largement de la faculté d’envoyer les produits sans autre charge qu’un droit de onze à dix pour cent, et même, pour quelques articles, de seulement cinq pour cent ?… Demandez-vous si la France a des manufactures, des branches d’industrie à elle, ou bien dans lesquelles elle excelle assez pour que vous puissiez prendre alarme du traité. Il est à peine besoin d’insister là-dessus… Le verre ne peut être importé en grande quantité. Dans certaines spécialités de dentelle et de passementerie, oui, les Français peuvent avoir l’avantage, mais c’est une supériorité qu’ils garderaient indépendamment du traité ; et les clameurs au sujet des articles de modes sont vagues et sans portée, lorsque, en outre de tous les bénéfices que le traité nous procure, nous comptons la richesse de la contrée avec laquelle nous allons commercer. Avec sa population de vingt-huit millions d’âmes, et une puissance de consommation proportionnée, avec sa proximité de nous et