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tout en assurant à la nation anglaise le bien de la paix et de solides finances.

En 1783, simple député, il défend contre Fox et les libéraux la Compagnie de l’Inde : il ne veut pas que l’État profite de sa détresse pour la soumettre à un contrôle et à une direction qui ressemblaient à une expropriation.

« Je reconnais, dit-il avec une vigueur qui groupait autour de lui tous les hommes d’affaires de la Cité, que je suis assez faible pour respecter les droits inscrits dans des chartes, et qu’en proposant un nouveau système de gouvernement et de contrôle, je ne dédaigne pas de consulter ceux qui, ayant le plus grand intérêt dans la matière qu’il faut réformer, sont le plus capables de donner d’utiles avis. Je reconnais l’énorme transgression qu’il y a à agir avec leur consentement plutôt que par violence. Je reconnais que, dans le bill que je vous propose, je me suis réglé moi-même sur les idées des propriétaires d’actions de l’Inde Orientale, sur le sens et la sagesse de ces hommes qui connaissent le mieux ce sujet et qui y ont un intérêt essentiel. » (Parliamentary speeches, 14 janvier 1784).

La grande bourgeoisie avait vraiment trouvé son homme d’État. Le bill qui atteignait la Compagnie des Indes fut voté par la Chambre des Communes, mais le roi George III y était hostile. Il redemande leurs portefeuilles aux ministres et appelle au pouvoir le jeune Pitt. Celui-ci accepte, malgré l’opposition violente de la majorité de la Chambre des Communes. Et il soutient hardiment contre elle la prérogative royale.

« Je veux soutenir toute la Constitution selon sa vraie doctrine : je veux sauvegarder à la fois les droits des branches de la législature et ceux du souverain. Ces droits du souverain, la Constitution les a définis avec autant de soin que ceux de la Chambre des Communes, et c’est le devoir des ministres et des membres de cette Chambre de soutenir également les droits de l’un et de l’autre… La Constitution de ce pays est sa gloire, mais c’est dans un juste équilibre que réside son excellence. Également affranchie des désordres de la démocratie et de la tyrannie monarchique, sa beauté consiste dans le mélange de ces éléments. C’est un gouvernement mixte que la sagesse de nos aïeux a conçu et que c’est notre devoir à tous de soutenir. Ils ont expérimenté les vicissitudes et les désordres d’une république. Ils ont senti le vasselage et le despotisme d’une monarchie pure. Ils ont abandonné l’un et l’autre, et, en fondant les deux, ils ont extrait un système qui fait l’envie et l’admiration du monde. C’est la forme de gouvernement qui constitue l’orgueil des Anglais et qu’ils n’abandonneront qu’avec la vie. » (1er mars 1784.)

Mais à quoi auraient servi à Pitt ces théories et ces formules sur le gouvernement tempéré, s’il y avait eu dans le pays une grande puissance sociale cherchant dans une forme de gouvernement plus simple, plus décisive, une garantie ?

Au contraire, les grands intérêts capitalistes et industriels qui domi-